Cultiver la diversité en Afrique de l’Ouest : contribution en faveur de la coexistence des savoirs et pratiques relatives aux semences
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Cette proposition de communication présente les savoirs et pratiques autochtones relatives aux semences dans le village de Taré au Burkina Faso et le village de Yenguélé au Sénégal, en se fondant sur des études
de cas conduites dans les territoires nuni et sereer de février 2018 à mars 2020. Ces savoirs et pratiques impliquent la mobilisation de semences issues des variétés agricoles hétérogènes, marginalisées par les législations nationales burkinabè et sénégalaises depuis les années 1960 mais essentielles pour la résilience des agriculteurs face aux changements climatiques.
L’étude souligne l’enjeu de la reconnaissance des normes juridiques non étatiques qui impactent la circulation semencière dans ces villages. Ces normes juridiques sont de trois types : les coutumes relatives à l’alliance, celles relatives à la filiation et les règles de réciprocité Les coutumes autochtones relatives à l’alliance favorisent une division genrée des plantes agricoles. Certaines sont ainsi associées à la sphère féminine, tandis que d’autres sont considérées comme étant du domaine masculin. Les coutumes relatives à la filiation, quant à elles, traduisent le fait qu’en Afrique de l’Ouest, les êtres humains et les plantes cultivées co-évoluent.
Elles démontrent de plus que les communautés autochtones et les semences partagent des relations affectives et d’interdépendance. Les règles de réciprocité, finalement, permettent un partage des semences
au-delà des transactions marchandes prônées par les politiques et législations agricoles ouest-africaines et internationales. L’ensemble de ces normes contribuent au renouvellement annuelle de la diversité cultivée et à la sécurité alimentaire des communautés autochtones.
Plusieurs traités internationaux ont reconnu l’énorme contribution des communautés autochtones et locales à la conservation et à la mise en valeur de la diversité cultivée. En ce sens, la Convention sur la diversité biologique, dont le Secrétariat est à Montréal, favorise la collaboration entre les sélectionneurs et les communautés autochtones. Elle responsabilise les personnes impliquées dans les projets de développement agricole. Le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, quant à lui, encourage à la reconnaissance des droits des agriculteurs et de leurs communautés sur les semences. Cette proposition de communication relève cependant que ces traités demeurent insuffisants pour une reconnaissance des enjeux juridiques, économiques et culturels dans lesquelles s’enchâssent les communautés agricoles et les plantes cultivées. En particulier, ils ne permettent pas de dépasser le clivage nature/culture omniprésent dans les instruments de droit international économique adoptés par l’Afrique de l’Ouest.