Les approches (auto)biographiques en santé : une agentivité renforcée par les traces de l’expérience chez les professionnels et les patients

Les systèmes de formation des professionnels de la santé sont confrontés à la nécessité de favoriser, chez leurs étudiants, l’émergence de pratiques de soins empreintes d’humanité, de ce que certains auteurs nomment le « care ». Comment faire pour replacer l’humain au cœur de l’agir du professionnel de la santé ? Certes, le savoir déposé dans les manuels de formation sont une importante source de connaissances, toutefois l’expérience constitue elle aussi une source de savoirs suffisamment riche pour soutenir l’épanouissement de la personne et de ses compétences. La mobilisation du savoir d’expérience est d’autant plus pertinente que les programmes de formation en santé s’appuient beaucoup sur l’apprentissage en stage clinique. Ainsi, les rapports entre les connaissances théoriques et les savoirs accumulés par l’expérience constituent un point crucial dans le contexte des transformations que se vivent actuellement dans le monde de la santé.

Dans le domaine de la santé, le travail de soin se réalise et se renouvelle dans le « tissage » continu de techniques de soin avec l’épanouissement des relations interpersonnelles. L’expérience quotidienne des soins, la confrontation avec la souffrance et la guérison des patients, les relations avec l’entourage, ainsi que les circonstances du travail en équipe multidisciplinaire contribuent à la construction de ressources partagées précieuses pour la qualité du travail.

Le postulat orientant ce symposium est que le travail (auto)biographique et l’explicitation de l’expérience peuvent générer une ressource fondamentale pour l’émergence de l’agentivité chez les professionnels de la santé et chez les patients, à certaines conditions qu’il convient de préciser. Une première condition réside dans la nature particulière des apprentissages d’expérience, acquis au cours du vécu : transmis dans le « feu de l’action », par imitation, par observation, par essais-erreurs, ils sont peu à peu incorporés et échappent à la simple observation ou aux descriptions centrés sur les procédures et protocoles. Pourtant, ces acquis sont cruciaux pour le bon fonctionnement du service et la qualité des soins et pour la survie des patients.

Une deuxième condition entre en jeu lorsqu’on cherche à prendre en compte l’expérience dans la formation, qui est plus spécifique aux services aux personnes et particulièrement lorsqu’ils concernent le corps d’autrui ou le sien. L’activité de travail est tournée vers un « objet » - la jambe cassée, l’escarre à soigner, le taux de glucose sanguin à mesurer, par exemple - en même temps que cet objet est le corps d’un « sujet ». La technique médicale de soin au corps physique est ici intimement liée à la technique relationnelle avec le patient. Cette juxtaposition – soin au corps et soin à la personne - peut constituer un lieu de dialogue entre professionnels et patients.

Ainsi, ce symposium a comme objectif de présenter quatre perspectives sur l’apport du travail (auto)biographique et de l’explicitation de l’expérience des patients, des étudiants et des professionnels pour la compréhension de comment les individus se construisent dans l’espace social et comment ils se forment à partir des expériences vécues.