2- Le shakuhachi japonais: l’évolution d’une tradition - Bruno Deschênes, Chercheur indépendant

Les transformations qu’a encouru le shakuhachi suite à l’ouverture du Japon au commerce mondial à la fin du xixe siècle sont marquantes. Autant sa fabrication que son jeu ont été modernisés à l’époque, modernisation qui s’est accrue suite à l’intérêt grandissant de cette flûte de bambou à l’extérieur du Japon à partir des années 1960. Un nombre croissant de musiciens étrangers sont aujourd’hui formés à cette flûte, auquel s’ajoute l’organisation de festivals internationaux depuis 1992. Nous constatons suite à cet engouement une situation paradoxale à l’égard du shakuhachi : nous assistons autant à la modernisation de cette flûte qu’à un mouvement spiritualiste-traditionaliste. Toutefois, ces deux mouvements diffèrent tant entre ceux de cette culture que ceux du reste du monde, étant parfois inverses. Par exemple, le mouvement moderniste au Japon « essentialise » la modernité occidentale, cherchant ainsi à rendre le shakuhachi de plus en plus semblable aux instruments occidentaux, alors qu’en dehors du Japon, cet essentialisme, issu d’un discours exotique sur le Japon, se retrouve dans un mouvement spiritualiste-traditionaliste relevant de la tradition bouddhiste d’où cette flûte est issue, certains musicians jugeant les œuvres solos de cette flûte comme des œuvres bouddhistes. Je tracerai un portrait historique de l’évolution de cette flûte, tant dans son jeu, sa fabrication, son répertoire que l’image qu’il possède tant au Japon qu’à l’extérieur de la fin du xixe siècle à aujourd’hui. Je tenterai d’envisager ce que l’avenir pourrait potentiellement réserver à cette flûte.