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11.00  La société civile russe face à l’architecture soviétique, ou comment patrimonialiser un héritage controversé

What:
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When:
11:00, Saturday 4 Jun 2016 (30 minutes)
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L’étude du patrimoine soviétique est actuellement un champ de recherches en construction. Afin d’effleurer les multiples problématiques que cette question soulève en Russie, cette communication propose de l’aborder sous l’angle des moyens, des acteurs et des enjeux de sa patrimonialisation, et plus précisément de mettre en perspective le rôle désormais crucial de la société civile dans ce processus complexe. 

L’héritage architectural soviétique est en effet sujet à des appréhensions différenciées, et son traitement a connu des évolutions sensibles depuis la Perestroïka. Tantôt considérées comme des souvenirs néfastes d’une période rejetée ou comme des témoins bienvenus d’une période (re)valorisée, ces traces du passé encore visibles posent problème. C’est pourquoi leur patrimonialisation n’a été ni immédiate, ni évidente, mais plutôt tardive et ambiguë. Dès lors, l’implication de la société civile comme acteur clé a progressivement émergé pour devenir aujourd’hui un phénomène inhérent à la protection de cet héritage à la valeur patrimoniale encore controversée. 

Pour autant, cette ferme implication de la société civile envers l’architecture soviétique est récente et a été progressive. Les mobilisations peuvent être datées du début des années 2000 : témoignage d’une revitalisation de l’espace public russe. Bien plus, cette période coïncide avec le désengagement affirmé du pouvoir russe envers un patrimoine désormais rejeté, mais aussi à la prise de conscience que sa sauvegarde ne pourrait émaner que de la société. Cela étant, ce phénomène de patrimonialisation « par le bas » porte en lui des spécificités que cette communication entend interroger. 

Multiforme et active, la société civile russe possède son propre répertoire d’actions – éminemment lié au passé sensible du pays – qui peut être exprimé selon les termes suivants : un rejet des canaux habituels de la société civile, l’idée profondément ancrée que la société ne peut compter que sur elle-même, la mise en place d’actions spectaculaires proprement russes, toujours indépendantes de la communauté internationale. Si les mobilisations en faveur de la protection du patrimoine semblent emprunter à ce vocabulaire, elles se distinguent néanmoins clairement, notamment lorsqu’il s’agit de l’héritage soviétique qui ici est au cœur de notre propos. 

Les mobilisations patrimoniales puisent leurs sources de légitimation dans des normes internationales et aspirent avant tout à attirer l’attention au-delà des frontières russes. Par ailleurs, les stratégies développées pour rendre cet héritage sensible attirant et attractif sont tout à fait inédites en Russie. Elles parient sur la sensibilisation et l’éducation de la population, dont le projet « École du patrimoine » daté de mars 2014, qui sera analysé ici, est le paroxysme. Bien plus, ces mobilisations déclinent un ensemble d’actions pour mettre en spectacle et médiatiser cet héritage, et ce, afin d’assurer sa visibilité aux échelles locale, nationale et internationale. La question patrimoniale semble ainsi avoir sensiblement modifié la société civile et ses pratiques habituelles. Les mobilisations pour éviter la destruction de la tour Choukhov de Moscou ou pour rénover la Belia Bachnia d’Ekaterinbourg sont en ce sens significatives et seront choisies comme cas d’étude. 

Elles témoignent en effet d’une volonté certaine de penser et de construire l’objet patrimonial et permettent dès lors d’analyser ces nouvelles pratiques. Elles sont par ailleurs une bonne entrée pour mener une réflexion sur les acteurs de ces mouvements : non seulement sur leur origine sociale mais aussi sur leurs motivations – réelles ou imaginées. Il apparaît que le patrimoine soviétique se mue parfois en une véritable cause pour dénoncer de façon plus générale les politiques mémorielles mises en place par le gouvernement, largement considéré comme incompétent. Il conviendra ainsi d’interroger la tonalité politique, plus ou moins consciente et affirmée, de certaines actions menées par la société civile.

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