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Urbanisation et industrie : les villes-usines non-planifiées, un angle mort patrimonial ?

La ville-usine, définie comme une ville née de l’industrie, est emblématiquement représentée par la ville de compagnie ou ville d’entreprise. Construite et planifiée par un seul industriel, elle est particulièrement présente sur les terres pionnières du nouveau monde (Morisset, 2017) ou encore dans le monde communiste, sous la direction de l’État planificateur et aménageur (Bellat, 2017). L’unique aménageur (l’entreprise ou l’État) a favorisé la réalisation d’ensembles cohérents (Crespi d’Adda en Italie, Saltaire au Royaume-Uni, Arvida au Canada, Togliatti en Russie) et de réalisations architecturales originales et/ou spectaculaires (cour ovale du Grand Hornu en Belgique, familistère de Guise en France, tour 21 de la bataville de Zlín en République Tchèque, etc.), l’ensemble devenant des éléments phares du patrimoine industriel. En Europe occidentale, la ville-usine planifiée est présente, comme autour du gaz à Mourenx en France ou comme les batavilles au Royaume-Uni, en Suisse, aux Pays-Bas ou en France (Brichler, 2020), mais avec moins de constance et de visibilité, en raison de l’ancienneté et de la progressivité de l’industrialisation, née sur des racines proto-industrielles, de l’anthropisation plus forte de l’espace et de la présence récurrente de villages agri-ruraux déjà constitués qui brouillent l’organisation spatiale industrialo-urbaine. S’ajoutent à ces nuances des questions de taille, donc de puissance des entreprises en matière d’aménagement du territoire, et d’affirmation plus ou moins forte des politiques paternalistes des industriels. Ainsi se sont constituées de villes-usines moins planifiés et surtout non-planifiées, où l’industriel a du adapter ses réalisations au bâti préexistant tout en s’accommodant de la présence d’autres industriels. Chacun développe sont petit système industrialo-paternaliste très cohérent, cellule de base du territoire industrialo-paternaliste, qu’on peut qualifier de géosystème industriel (Edelblutte, 2010) ; mais le tout crée des agglomérations particulièrement anarchiques et aux caractères urbains classiques (attractivité, polarisation des espaces alentours, densité de commerces et de services, centralité et périphérie, etc.) peu marqués, dilués dans des paysages plus ruraux et aux côtés de concentrations industrialo-urbaines à la taille trop faible pour être qualifiées de villes et qui entrent plus dans la catégorie des villages-ouvriers. Ainsi, ces villes-usines non planifiées sont caractérisées par une dispersion des réalisations industrialo-paternalistes en leur sein et peuvent être aussi qualifiée de villes-usines diffuses. Peu répertoriées et inventoriées, peu étudiées car éclipsées par les formes planifiées plus emblématiques et spectaculaires, ces villes-usines non-planifiées sont aussi très peu mises en valeur d’un point de vue patrimonial. Pourtant, dans l’optique de leur redéveloppement territorial, cette reconnaissance des héritages industriels et leur éventuelle patrimonialisation est essentielle car l’industrie est consubstantielle de leur identité. En effet, l’enjeu de la patrimonialisation n’est pas tant ici la requalification fonctionnelle et donc la préservation rigoureuse d’un bâtiment ou d’un paysage industriels spectaculaires que le développement d’un sentiment d’appartenance commune à un territoire au passé industriel spécifique. Ainsi, à partir d’exemples pris en Europe occidentale et notamment en France (Hauts-de-France, Grand-Est), ce travail vise à essayer de répondre à la question de la conservation de la mémoire industrielle de ces villes-usines non planifiées et d’évaluer si un héritage industrialo-urbain diffus et dilué peut faire patrimoine. D’abord en précisant et nuançant la typologie industrialo-urbaine mise au point lors de précédentes recherches (Del Biondo & Edelblutte, 2016 ; Edelblutte, 2020), puis en ciblant quelques villes-usines non-planifiées pour en expliquer la genèse particulière et, enfin, en présentant les actions effectuées, souvent modestes, en matière de patrimoine, tout en tentant d’évaluer leur pertinence pour un redéveloppement des territoires en question.
Conférencier.ère
Université de Lorraine, LOTERR
Professeur
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