PANEL 10 - DE LA LANTERNE MAGIQUE À LA RECHERCHE-CRÉATION
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Panel en français/Panel in French
CHAIR: Susanne Müller
L’archive et la Recherche-Création : Limites, Trahison et Transfiguration.
Étudiant en communication tâtonnant la recherche-création, je découvre avec plaisir le goût de l’archive. Passer les portiques de sécurité, s’assoir à la table désignée, sentir les vieux papiers glisser sous les doigts, exhumer des histoires enfouies dans des microfilms, cela s’annonce prometteur. Soudain, blocage : marchant vers la salle de numérisation, je rentre la tête la première dans un paywall. La numérisation de quantité d’artefacts donne à l’archonte de nouveaux outils pour s’assurer un contrôle sur la distribution et l’exploitation de la trace. Ce contrôle se traduit notamment par des monopoles sur la détention d’archives médiatiques, par leur coût prohibitif de reproduction et de droit de synchronisation pour des documents audiovisuels, voire par le délaissement de documents. Face à la volonté de transmettre des récits différents, comment alors détourner ces limitations rencontrées tout le long du processus de la recherche-création ? La voix numérisée de l’artiste Louise Bourgeois résonne soudainement derrière le paywall : « si vous ne pouvez vous résoudre à abandonner le passé, alors vous devez le recréer. » Cette présentation vise alors à proposer une analyse de ces limites et de leurs détournements possibles au travers de mon processus de recherche-création portant sur la médiatisation de l’abstention électorale en France et au Québec, de 1848 à aujourd’hui. Je souhaite d’abord présenter différentes limites à l’exploitation des archives médiatiques dans les contextes français et québécois. Je vais ensuite proposer une réflexion sur leur contournement au diapason du versant imaginaire des archives et du fragment tels que respectivement proposés par Raphaël Faon et Martha Kuzma. Ma présentation sera agrémentée par des exemples de mes propres détournements réalisés dans le cadre de ma recherche-création.
« Le savoir comme projection lumineuse dans le projet encyclopédique de Paul Otlet : le cas du film fixe comme archive transitionnelle » ?
This paper aims to study the role played by light projections in the encyclopaedic project of Paul Otlet, founder with Henri La Fontaine of the Mundaneum. In 1905, Paul Otlet, with the help of Ernst de Potter, established the International Institution of Photography. This institution not only sought to preserve and classify a range of visual documents, but also to circulate these documents, mainly for educational purposes. For this reason, a ‘service central de vues pour projections lumineuses’ was set up in 1907, based on the model already developed by the Paris Educational Museum in 1897. The programme of this service, which was active until the 1930s, consisted of "réunir les collections éparses et fragmentaires de vues pour projections lumineuses à l’usage des cours et conférences". Today, the remnants of these collections, including glass slides (about 45,000) and filmstrips (‘films fixes’) are conserved at the Mundaneum archive center in Mons (Belgium). Faced with this mass of documents, we would like to focus on the projection supports and particularly on the filmstrip, which is a relatively little studied archival source, especially in the Mundaneum's collections. Our aim will be to examine this type of media in its intermedial environment, the way in which it coexisted with the other media in the collection, such as glass slides, with what advantages (in terms of storability and handiness). We will make the hypothesis that, in Otlet's writings, filmstrip functions as a transitional archive, between glass slides and diapositives on film. In a second step, we will consider whether this "transitional" aspect has an impact on the place of filmstrips in the Mundaneum's collections today, which could be illustrated by the difficulty of making use of this kind of media archive."
Faire vivre l’archive : Quand les vidéastes et streamers créent par l’archive
Quand la notion d’archive est abordée, il est souvent question de sa conservation ou de son utilisation dans le cadre de la recherche. Interroger ce qu’est l’archive au regard des médias, permet de s’intéresser pourtant à son utilisation dans un contexte de création. Que ce soit à la radio, à la télévision ou dans les journaux, et parce que certaines instances ont pris cette charge à leur compte (en France la BnF ou l’INA par exemple), il est courant de voir celle-ci utilisée soit pour contextualiser, soit pour raconter, soit pour comparer. Internet n’échappe pas à cette réalité. Sur YouTube ou sur Twitch, les vidéastes français se sont emparés de celle-ci pour créer ou habillerleurs émissions. Par une double analyse de discours et de corpus, ainsi que des entretiens auprès des vidéastes, nous chercherons à comprendre la place de l’archive au sein des productions vidéo du Web. Entre obstacles juridique et technique, détournement et partenariat, nous verrons les moyens mis en œuvre pour incorporer l’archive et nous tâcherons de montrer les limites de son utilisation (présentation des métadonnées, recontextualisation, simple diaporama). De plus, nous verrons comment l’archive revêt un rôle en transformation dans nos sociétés en cours de numérisation, et si la pratique actuelle est identique à l’utilisation traditionnelle des médias. Enfin, nous proposerons les premières pistes à une question plus large. Et si au fond, la réutilisation de l’archive n’était tout simplement pas une des incarnations de la culture numérique au côté du sample et du mème ?"
Archives, décolonisation, anthropocène. La lanterne magique au Québec
Les archives du cinéma québécois sont assez bien conservées, notre Cinémathèque est une institution respectée. La situation est bien différente pour le média parent antérieur, la lanterne magique, dont une seule collection est mise en valeur, celle du Musée McCord, dont la composition n’est pourtant que parcellaire face à l’ensemble global. La Cinémathèque québécoise possède une collection assez diversifiée, mais n’a pas d’obligation de mandataire concernant cet objet. Plusieurs autres institutions possèdent des collections assez importantes, mais elles accumulent la poussière depuis que le cinéma les a supplantées. J’ai entrepris il y a cinq ans un inventaire sommaire des principales collections et un projet d’histoire de leur usage sur le territoire québécois. Mon approche est anthropocénique, c’est-à-dire que j’entends montrer comment ce média a contribué principalement à l’émergence et la consolidation au Canada de nations colonisatrices extractives dont la richesse repose sur l’exploitation de la nature et des autres communautés, dans des proportions sans cesse croissantes, dont les conséquences nous sont montrées chaque jour, et sont devenues le principal sujet politique du monde. Cette décolonisation de la croissance et de ses archives visuelles est rendue difficile par la négligence des archives concernées, par leur accès compliqué, par leur dispersion, par la question des droits de diffusion ou de reproduction, par la crainte de révélations et de poursuites contre leurs détenteurs, et d’autres formes de censure ou de contrôle. L’historien qui veut y accéder doit montrer patte blanche, travailler en solitaire sous surveillance, se contenter d’un accès partiel, jurer de ne rien diffuser sans permission spécifique, et accepter que l’information sur la collection ou le don demeure secrète. Pourtant ces collections sont constituées en grande partie de matériel piraté. Les enseignants et les conférenciers montraient des plaques artisanales faites de pages de livre photographiées, ou des plaque achetées d’éditeurs qui reproduisaient des œuvres connues, ou des illustrations originales dont l’auteur cédait les droits. Le premier niveau de ce travail de décolonisation sera donc celui de la déconstruction de ces interdits ne reposant sur presque rien, sinon sur la volonté de protéger les détenteurs contre l’exposition de leur rôle dans l’opération coloniale. Cette communication exposera cette situation et les défis qu’elle pose dans le contexte québécois. Les auditeurs devront accepter que certaines institutions ne soient nommées qu’à mot couvert, puisque le couvercle est à peine entrouvert. Comme le dit un media connu, « le contenu de cette émission contient des représentations culturelles d’époque…nous préférons vous en avertir. »"