Saisir l’œuvre numérique sous tous ses états : modalités éditoriales, lecturales et performatives
Mon statut pour la session
René Audet, Université Laval
Si, suivant la tradition critique littéraire, on aborde spontanément les œuvres numériques à partir de leurs traits propres (texte, dimension plurisémiotique, procédés techniques), une compréhension riche et nuancée du phénomène culturel qu’elles incarnent ne saurait se contenter d’une telle approche immanentiste – ce serait là réduire la vision de la culture numérique, aux yeux des lecteurs apprenants, à des questions d’ordre générique (tel arrangement de traits d’écriture et de procédés, tel air de famille).
Œuvres-objets, les textes de littérature numérique ne peuvent être compris dans leur nature et leur capacité d’expression qu’à travers le jeu de leur matérialité, tout aussi virtuelle soit-elle. Nous souhaitons ici défendre l’idée que l’enseignement des œuvres numériques ne peut dissocier la lecture du texte de la constitution de ces objets (projet de création, choix du support, etc.), des modalités de lecture suscitées par les dispositifs (manipulation, translinéarisation, etc.) et de l’évaluation d’ensemble de leur performativité (entre théorie de la lecture et performance studies). Un retour sur une expérimentation en classe illustrera les enjeux d’application en contexte pédagogique.
Nous pourrons ainsi revenir sur les dimensions trop souvent éludées d’une saisie globale des œuvres, dont la compréhension se limite à leur contenu textuel et néglige tant la réalisation concrète de l’objet que les modes de circulation des œuvres – une perspective restreinte tout aussi présente pour le large champ de la littérature, étonnamment (où la matérialité des livres et notre rapport cognitif avec les textes ne sont guère pris en charge). L’enseignement de la littérature numérique ne peut faire abstraction des modalités éditoriales, lecturales et performatives de ces œuvres.
Bibliographie
Carlson, M. (1996). Performance: A critical introduction (2e éd.), Routledge.
Darnton, R. (1982). What is the History of Books? Daedalus, 111(3), 65-83.
Kirschenbaum, M. G. (2008). Mechanisms: New media and the forensic imagination. MIT Press.
Saemmer, A. (2007). Actions du lecteur sur la matière textuelle. Dans A. Saemmer (dir.), Matières textuelles sur support numérique (p. 33-68). Saint-Étienne, France : Publications de l'Université de Saint-Étienne.