Programme agroalimentaire Atikamekw : réconciliation et coopération dans une démarche de souveraineté alimentaire
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Depuis 2017, le Centre d’innovation sociale en agriculture du Cégep de Victoriaville (CISA) accompagne la communauté Atikamekw d’Opitciwan dans le développement d’un système alimentaire local, afin de tendre vers une souveraineté alimentaire. Sous forme de recherche-action, le projet se divise en deux volets qui s’influencent mutuellement. D’une part, une recherche anthropologique transversale aux différents projets nous permet d’entretenir le dialogue axé les volontés de la communauté, notamment en étudiant les dimensions de l’agriculture dans la culture Atikamekw et en pensant un dispositif de mobilisation communautaire. D’autre part, un volet en agroalimentaire nous a permis de cocréer huit espaces de jardin communautaire et des ateliers de partage de connaissance avec la communauté.
Toutefois, un retour réflexif sur notre travail nous a permis de cibler une tension persistante entre les conceptions Atikamekw de l’agriculture et les nôtres ainsi que l’absence de l’épistémologie Atikamekw dans plusieurs phases des projets. Cette prise de conscience a initié des changements importants dans notre démarche, afin de tendre vers une approche décolonisée. D’abord, les activités de recherche et les analyses subséquentes reposaient sur l’approche à deux yeux, développée par les aîné.e.s de la Première Nation Mi’kmaq Albert et Murdena Marshall (Peltier 2018). L’analogie des deux yeux renvoie à la rencontre entre les regards autochtone et occidental quant aux méthodes de construction de la connaissance, afin de tendre vers un équilibre et une compréhension mutuelle des conceptions du monde. Puis, une réflexion s’est entamée sur les concepts de colonialisme,
de décolonisation et de résurgence. Puisque les tentatives de définition de ces concepts sont plurielles, nous explorons davantage les différents ancrages épistémologiques. Au Canada, plusieurs études sur le
postcolonialisme s’écartent de celles sur la décolonisation en ce sens où ces dernières ne reconnaissent pas un dépassement des structures de pouvoir coloniales (Collab. 2014) La décolonisation renvoie entre autres au processus visant à mettre fin au monopole eurocentré
des savoirs(Collab. 2014), à renverser le pouvoir colonial dans les sphères bureaucratiques, culturelles, linguistiques et psychologiques (Smith 1999) ou encore mettre en place une résurgence des savoirs inhérents aux communautés autochtones émergeant du territoire
(Simpson 2001). Ces assises théoriques nous permettent de tracer les contours d’une approche agriculturelle, qui consiste à baser nos projets sur les définitions locales des concepts et sur les ontologies relationnelles. Nous souhaitons dorénavant développer davantage la méthodologie et la théorie entourant cette approche. Pour ce faire, nous allons approfondir quatre dimensions ontologiques Atikamekw, soit le rapport au territoire, le lien à la famille, le souci de bien-être personnel et de la communauté ainsi que le respect de la saisonnalité. Ainsi, nos remises en question nous permettent de réfléchir à des façons de décentrer nos savoirs sur l’agriculture avec les communautés en favorisant des espaces de rencontre et d’échange. Par exemple, en 2021 a eu lieu un jumelage entre des étudiant.e.s de l’école secondaire Mikisiw et des stagiaires en agriculture biologique du Cégep de Victoriaville ainsi que la mise sur pied d’un cercle de réflexion autochtone et allochtone pour penser les concepts et les différentes phases des projets. Aujourd’hui, nous articulons un projet proposé par des membres de la communauté de forêt nourricière sur les territoires de chasse familiaux Atikamekw, afin d’intégrer à la recherche les dimensions ontologiques Atikamekw.