Un chant d'exil en terre promise ? | A Song of Exile in the Promised Land?
My Session Status
*L'atelier de recherche-création sera en anglais / This research-creation workshop will be in English
By using experimental and anthropological theatre’s tools, it is a sensitive exploration into the heart of questions of art, exile, heritage and transmission that I propose to lead here. How do we grasp as closely as possible the committed creations of Mizrahi artists and their aspirations, if not by artistic creation itself? The performance will become my space of research, shared with the audience, where all of the languages of the field, such as Hebrew, Arabic, French, English, Persian, Yiddish… will carry out the steps of the survey and allow me to question the fragile string of art, migration and politics of these artists.
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En 2014, j’ai débuté un doctorat en anthropologie portant sur la jeune génération des juifs Mizrahim en Israël, originaires du Maghreb et du Moyen-Orient, qui tentent de re/construire leur identité à travers la création artistique contemporaine, très souvent engagée. Leur art est le reflet de leur militantisme et de leur désir de saisir un petit quelque chose de la culture d’origine de leurs grands parents, les figures tutélaires, venus de terres d’Islam, pays où ces jeunes israéliens ne peuvent se rendre aujourd’hui. Du silence de leurs grands parents arrivés en terre promise et désireux de « s’intégrer » au nouvel état national juif, ces jeunes artistes questionnent l’Histoire, composent des chants et poésies qui peignent un ailleurs méconnus et célébrés, dans leurs langues juives diasporiques d’origine, réapprises, parfois au prix de leur image. Ainsi ils permettent aux cultures tues de reprendre souffle. Chanter en arabe, yéménite ou persan devient une force, une source de reconnexion avec des mondes perdus, un possible franchissement des frontières qui enclavent Israël. Ces jeunes artistes affirment leurs appartenances d’origine, parfois au détriment de leur propre identité israélienne. Ils veulent rendre justice à leurs aïeux et tenter d’œuvrer grâce à l’art, à un rapprochement possible vers la paix et les palestiniens.
C’est la réalité complexe de ces artistes engagés que j’ai tenté d’approcher au plus près, leurs processus de création et leurs rêves fragiles, plus globalement de saisir leur manière de « re/créer » un patrimoine judéo-arabe dans un Israël brulant et déchiré. Ce sont leurs frontières intérieures et physiques que j’ai tenté de suivre, leurs rapports à la famille et à leur communauté d’artistes. C’est aussi mon propre patrimoine, juif et multiple que j’ai mis en scène afin d’être accepté par ceux qui parfois projettent sur l’autre rejet et exclusion, car ils en ont été les victimes.
Grâce aux outils du théâtre expérimental et anthropologique, c’est une plongée sensible au cœur des questions d’héritage et de transmission que je propose de mener ici. Comment saisir au plus près les créations engagées de ces artistes et leurs aspirations-revendications si ce n’est pas le prisme même de l’art. Cette recherche-création sous forme de performance théâtrale et musicale, est un acte engagé vers une ethnologie profonde du sensible et une tentative de traversée des idées et questions cruciales qui jalonnent cette recherche. Il est donc question d’aller au-delà d’une présentation « classique » des résultats de terrain, de transcender les mots, et de passer par un outil unique qui est celui de la création.
Le plateau sera mon espace de recherche et de création, partagé avec le public où les langues de la recherche, soit français, l’anglais, l’hébreu, le yiddish, l’arabe, la darija marocaine porteront les pas de l’enquête et me permettront d’interroger la corde sensible de l’héritage et du patrimoine chez ces artistes, mais aussi chez moi, chercheuse, artiste et fille d’immigrés, vivant en diaspora et à la frontière de plusieurs mondes.