15.30 Réconcilier passé et présent : La transmission du sens dans les églises, entre l'œuvre totale et l'expérience globale
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Alors que les clés de compréhension des intentions et du sens des œuvres religieuses (objets d’art ou d’architecture) issues des traditions chrétiennes se perdent, un intérêt certain existe (ou renaît) pour les architectures « grandioses » auxquelles elles ont donné lieu, dès lors qu’on les distingue de l’institution elle-même. Les églises, si elles ont été conçues comme des œuvres d’art totales qui faisaient appel aux différents savoir-faire artistiques (peinture, sculpture, vitrail, musique, « art de la scène », architecture), interpellent conséquemment toutes les manières de percevoir.
Au cours d’une recherche empirique (inspirée des travaux sur les ambiances architecturales et urbaines) menée auprès de contemporains invités à faire des « parcours sensibles » dans des intérieurs d’églises, nous avons constaté que ces « sensations » des lieux constituent un véritable fond commun d’expérience, une mémoire partagée, au-delà même du fait que les personnes aient ou non fréquenté les églises. En d’autres mots, les sensations persistent au-delà du sens. C’est dire que si les clés d’interprétation se sont perdues, les schémas d’expérience demeurent et ouvrent la porte à de nouvelles interprétations.
Tenant compte de cela, les connaissances issues des approches historiques pourraient être reprises par « le détour » de l’expérience, les sensations étant aussi des véhicules de contenu. Perçues comme des lieux à part, les effets inusités (car ressentis nulle part ailleurs) constatés, lors du séjour dans les églises, sur la perception spatiotemporelle (effet de relaxation, de temps ralenti ou suspendu, par exemple) peuvent susciter des réactions favorables, jouant sur plusieurs registres (calme, sérénité, contemplation, curiosité, jeu, et ainsi de suite), tout en dressant un pont avec les expériences passées et leurs traces encore perceptibles dans les lieux. De nombreuses actions pourraient être imaginées et entreprises pour mettre en valeur ce potentiel, en coordination avec d’autres approches, et contribuer à prolonger la vie utile et la « somptueuse inutilité » du monument.