09.00 À quoi servent les patrimoines de la santé ?
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La question du futur de la patrimonialisation et de son influence sur les sociétés et les acteurs sociaux est au cœur des interrogations actuelles sur les patrimoines liés aux hôpitaux et à la santé. Certes l’avenir des patrimoines des hôpitaux et de la médecine paraît aujourd’hui fort incertain. Les deux plus grands musées hospitaliers français, celui des Hospices civils de Lyon (1936) et celui de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (1934), ont fermé leurs portes respectivement en 2010 et 2012. Ailleurs, des projets muséographiques ambitieux et anciens ne parviennent pas à se concrétiser, faute de soutiens institutionnels et financiers. Quant à la trentaine de musées médicaux ou d’histoire de la médecine des universités, qui, sauf exception, ne sont plus considérés comme des outils pédagogiques, leur destin apparaît de plus en plus incertain.
Pourtant, en France comme au Québec, la sauvegarde des patrimoines liés à la santé a suscité un réel intérêt dans les trente dernières années. Les multiples enquêtes que nous avons dirigées auprès des hôpitaux et des musées hospitaliers et médicaux français et étrangers (entre 1990 et 2015) ont montré qu’aujourd’hui, dans un nombre significatif d’expériences de valorisation, le patrimoine hospitalier n’est plus considéré seulement comme collections d’objets, mais tend à être utilisé par les acteurs sociaux comme une « ressource » : ressource culturelle et scientifique pour les historiens et les chercheurs ; ressource identitaire pour les soignants ; ressource communicationnelle et managériale pour des directeurs d’hôpitaux. Plus largement, au-delà des usages de ces professionnels, le patrimoine de la santé peut aussi devenir une ressource citoyenne pour la société civile. Aujourd’hui, en effet, des actions culturelles innovantes démontrent que l’histoire et le patrimoine des hôpitaux, et plus largement de la santé, peuvent être utilisés pour faciliter la création « d’espaces de controverses » entre professionnels (de la santé, de la culture, de la recherche), citoyens et usagers, contribuant ainsi à la construction de l’image de l’hôpital, non seulement comme producteur de soins mais plus largement comme espace public. En particulier, quelques structures patrimoniales tentent, depuis des années, d’évoluer vers une nouvelle conception du musée de la santé, qui ne serait plus un « dépôt sacré » de souvenirs, où l’hôpital parle de lui-même, mais deviendrait un espace public où la société interroge l’institution, où sont débattus des problèmes sanitaires d’hier et d’aujourd’hui… bref un « musée citoyen », un « musée forum ». Ainsi, bien loin d’éloigner l’institution sanitaire de sa mission essentielle, la démarche patrimoniale peut l’aider à devenir un espace culture et santé ouvert à la délibération citoyenne, potentiel lieu d’apprentissage de la « démocratie sanitaire ».
S’appuyant sur 25 ans de recherches théoriques et empiriques ainsi que sur les trois colloques internationaux (au Québec, en Belgique et en France) et les 20 journées d’études thématiques organisées dans le cadre du groupe de recherche interdisciplinaire sur le patrimoine hospitalier, cette présentation s’attachera aux usages sociaux des patrimoines de la santé, rejoignant ainsi la question centrale du Congrès 2016 de l’ACHS : « Le patrimoine, ça change quoi ? ».