11.00 Le patrimoine culturel immatériel, un facteur de développement durable des communautés et des groupes
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Alors qu’en 1945 le patrimoine était envisagé comme un instrument en faveur de la paix et de la réconciliation, d’autres préoccupations découlent de cette notion de nos jours. Le patrimoine culturel est aussi un facteur de développement, tel que le mentionnait en 2002 l’ancien directeur de l’UNESCO Koïchiro Matsuura à l’occasion de l’Année des Nations Unies pour le patrimoine culturel. Avec l’élaboration du premier instrument international encadrant le patrimoine culturel immatériel (PCI), à savoir la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003), une nouvelle dimension est rattachée à la notion de PCI : celle du développement durable. Le PCI reconnu par la Convention sera ainsi celui qui répondra, entre autres, aux exigences d’un développement durable. Ce texte ne comporte, néanmoins, aucune disposition claire de ce que pourrait représenter un PCI respectueux des objectifs du développement durable, ne proposant à cet effet aucun mécanisme permettant d’établir cette conformité. Malgré cette lacune, l’analyse de cette notion, telle qu’elle est définie par la Convention de 2003, ses travaux préparatoires, les instruments préalables à son élaboration, mais aussi telle qu’elle est perçue par les ethnologues, atteste que le PCI répond dans son intégralité à la philosophie du développement durable. Porteuse de sens pour la communauté qui transmet ses éléments aux générations suivantes dans un esprit de continuité en tenant compte de l’environnement naturel, social et économique associé, le PCI est envisagé dans un esprit de durabilité. Celui-ci n’a, de plus, de sens que pour la communauté ou le groupe qui l’a créé. En perpétuant leurs expressions, créations, connaissances et savoirs, ceux-ci construisent ensemble le PCI. Par le sentiment d’identité culturelle que ce partage leur confère, les communautés culturelles sont les garants de la viabilité et donc de la sauvegarde du PCI. Selon notre conception, le patrimoine immatériel servirait alors à contribuer au développement durable des communautés et des groupes.
Nous fonderons notre raisonnement selon deux approches. La première s’effectuera sur le plan théorique examinant brièvement d’un point de vue juridique la Convention de l’UNESCO et ses travaux préparatoires afin de voir de quelle manière la définition du PCI, mais aussi ses mécanismes de sauvegarde, contribuent au développement durable. À cet effet, nous nous appuierons sur les principes de développement durable reconnus en droit international et tenterons de voir de quelle manière ces derniers s’intègrent dans le contenu de la Convention de 2003. La seconde approche aura un aspect empirique analysant la pratique des États membres de l’UNESCO, mais également non membres, comme le Canada, relative à la sauvegarde du PCI sur leur territoire. Il sera ainsi question de voir si ces États, même s’ils n’ont pas ratifié la Convention sur le PCI, ont élaboré des politiques visant à préserver les éléments du PCI de manière à répondre aux objectifs de développement durable. Nous étudierons, à cet effet, les politiques et les programmes nationaux et locaux novateurs du Maroc (qui ont ratifié la Convention de 2003) et du Québec (non lié par ce traité, mais qui néanmoins dispose d’une législation reprenant l’esprit de ce texte). Les initiatives menées sur les plans législatif et gouvernemental ainsi que les mesures entreprises par certaines villes dans ces deux régions démontrent, malgré quelques faiblesses, que la sauvegarde des pratiques culturelles constitue un levier pour le développement durable des communautés qui font naître le patrimoine immatériel.