Formes de détournement du patrimoine. Les jeunes bulgares et l’imaginaire de la ville entre discours patrimoniales postsocialistes et images globales (Le cas du Monument de l’armée soviétique à Sofia)
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30 minutes
Les discussions sur le passé récent socialiste en Bulgarie dans l’espace virtuel sont assez restreints, marginaux et épisodiques, les exceptions étant les cas dans lesquels le thème est présenté d’une manière provocative. A ces moments-là elle ressurgit comme très émotionelle et parvient à susciter des opinions extrêmes (Koleva, 2011). Le Monument de l’armée soviétique à Sofia est devenu un cas exemplaire de ce type de libération émotionelle des discours. A quelques reprises il s’est avéré être l’emblème des nouveaux moyens de détournement du patrimoine qui ont su provoquer, par sa forme, l’interêt d’un public international, mais aussi celui des jeunes bulgares, la première génération socialisée dans la période de la transition après le régime communiste qui possède une liaison mince avec ce pouvoir politique. Ayant commencé le mois de juin 2011 lorsqu’un artiste anonyme a détourné une des sculptures du monument à la gloire des soldats russes de l’Armée Rouge, en les « habillant » en super-héros américains (Superman, Capitaine America, Père Noël, Ronald McDonald, Robin, Le Joker de Batman…) et en signant son action « Etre bien de son temps », ce type de gestes artistiques à court terme qui visaient essentiellement une publique médiatique, se sont développés en parallèle avec de sérieux discours politiques sur la démolition éventuelle du monument et de ce qu’il représentait. Le débat publique autour des actions artistiques qui ont suivi la première s’est lui aussi concentré sur l’opposition entre nostalgie et dégoût du communisme (et la recherche de la démonstration adéquate d’une bonne gestion de la mémoire). Nous proposons l’hypothèse que pour les jeunes bulgares ces gestes de détournement ont aussi d’autres significations. L’analyse exige une approche ethnographique qui refuse une normativité préalable et agit avec compréhension aux changements. Nous nous concentrerons sur les représentations-échos de ces actes artistiques sur Internet, comme des formes atypiques d’activisme civique qui cherchent des expressions plus fluides d’engagement sociale et la satisfaction de l’impulse de rendre public tout fait du quotidien (Ditchev, 2009). Ainsi la recherche se focalise sur des formes grassroots d’activité, non-organisées, telles que le contenu médiatique dans les forums, les blogues, les platformes d’échange de vidéos, les commentaires dans des sites informatiques. Elle les considère être de nouvelles formes médiatisée de fabrication de mémoire qui s’ecartent de la compréhension institutionnelle du patrimoine. La mémoire numérique, comparée à la mémoire communicative de Jan Assmann (Assmann, 2006), utilise une approche personelle et subjective, reliée aux pratiques quotidiennes, à l’opposé des formes ritualisées et canoniques de la mémoire culturelle (Gueorguieva, 2013). Ainsi le cas du Monument de l’armée soviétique sera interprété par les moyens nouveaux de résistance des jeunes qui mêlent d’un côté des images patrimoniales et des discours hérités sur la ville et d’autre, des images médiatiques (venant d'un patrimoine cinématographique, télévisuel et numérique global). Car pour les jeunes le succès d’une résistance peut être aussi mesurée par la capacité des actions artistiques à prendre du temps pour s’amuser, à s’approprier ou réapproprier un espace, à transgresser la normativité traditionnelle du culte patrimoniale, à susciter un pélerinage médiatique calculé par l’efficacité du nombre des messages internet.