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16.30  Patrimoines en conflit : sur l’« incompatibilité » du génocide arménien (1915) avec le patrimoine lyonnais

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11:00, Saturday 4 Jun 2016 (30 minutes)

Le génocide arménien de 1915 est un sujet sensible. Par conséquent, ce n’est guère étonnant que la patrimonialisation de sa mémoire, par l’entremise du monument commémoratif, représente un défi en diaspora. Si la France se montre plutôt réceptive à cette patrimonialisation – un comportement en lien avec l’engouement patrimonial vécu par ce pays, surtout depuis les années 1980, et avec l’intégration dite exemplaire des Arméniens –, cela n’empêche pas les monuments du génocide de s’y buter à un nombre significatif d’obstacles et à des réactions parfois violentes. Au-delà du négationnisme turc dont ils sont régulièrement la cible (des actes de dégradation notamment), certains de ces artéfacts mémoriels déclenchent des réactions qui interpellent les bases mêmes de l’État-nation français, voire ses mythes fondateurs. L’acte de transmettre la mémoire du génocide aux générations à venir, en l’inscrivant par l’entremise du monument dans l’espace public français, peut s’avérer en effet problématique en dehors du débat sur la légitimation historique et juridique du génocide arménien. 

Inauguré en 2006 à Lyon, le «Mémorial lyonnais du génocide des Arméniens » de la place Antonin-Poncet aligne 36 stèles blanches en béton. Il représente à ce jour, par son retentissement médiatique et juridique, le monument du génocide arménien le plus controversé en France – faut-il sans doute préciser qu’il y a en France au-delà de 70 de ces monuments. Les réactions que le mémorial lyonnais a suscitées paraissent correspondre à un intérêt de sauvegarde patrimonial. Dans cette communication, il sera question d’examiner en détail l’affaire judiciaire qui, entre 2004 et 2011, a menacé l’érection du Mémorial, et même failli motiver son déplacement, voire sa destruction, pour démontrer que cette controverse n’en est pas une de nature patrimoniale. Fer de lance de ses détracteurs et argument relevant d’un registre « purificatoire », le Mémorial porterait atteinte à la nature et à l’intégralité du site historique qu’est la place Antonin-Poncet et à sa vocation comme lieu de détente et de flânerie. Or, l’incompatibilité du génocide arménien avec la place lyonnaise, évoquée par l’ancienne conseillère municipale Marie-Chantal Desbazeille, constituerait de fait le nœud de l’imbroglio juridique. Cette incompatibilité – ou conflit entre le patrimoine lyonnais et la « mise en patrimoine » de la mémoire tragique du génocide arménien – semble renvoyer plutôt à une incompréhension (et à une négation) de la place de l’immigration et de son histoire dans le continuum de la nation française. Sous l’argument souvent passe-partout de la défense et de la sauvegarde du patrimoine, il se cacherait une problématique ontologico-identitaire : qui est Français ? De plus, les questions relatives au droit et à l’accès à l’espace public que soulève la controverse ayant sévi autour de la construction du Mémorial amènent à formuler une question supplémentaire : quelle est la place des récits des citoyens issus de l’immigration dans le grand récit national français ? Une partie de l’acharnement manifesté par les détracteurs du mémorial lyonnais du génocide pourrait être interprétée comme une résistance à l’extériorisation identitaire des citoyens issus de l’immigration et à leur droit, et celui de leurs récits fondateurs, d’occuper l’espace public de la société d’accueil (qui est devenue, au fil des générations, la leur).

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