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14.00  L’instrumentalisation du droit du patrimoine français au service de la narration patrimoniale

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11:00, Saturday 4 Jun 2016 (30 minutes)

Si le patrimoine matériel représente un construit culturel et social, il l’est également par la manière dont le droit du patrimoine s’en saisit. La régulation juridique révèle et consacre des patrimoines en participant elle-même au processus de patrimonialisation, parmi d’autres modes d’appropriation par la société. Les choix juridiques effectués par les pouvoirs publics traduisent alors une représentation du patrimoine, mais aussi leur vision de la gouvernance de ce patrimoine. 

En effet, tout d’abord, sur ce plan, le principe même de l’utilisation de l’outil juridique questionne tout autant les modes de gestion du patrimoine que le discours porté sur les objets qu’il contient. En France comme à l’étranger, la question se pose de savoir comment, c’est-à-dire par quels mécanismes sociaux, protéger et/ou gérer le patrimoine culturel matériel ; dans cette optique, la mobilisation de la réglementation, entendue au sens large (internationale, nationale, locales), ne constitue pas nécessairement la panacée dans la mesure où doit s’ajouter à l’appropriation des patrimoines par les populations celle de l’instrument juridique. La narration relative aux objets patrimoniaux auprès des habitants ou des acteurs publics et privés du territoire doit alors s’accompagner d’un discours sur le besoin de réglementations pour les protéger. Or dans une société globalement marquée par le recul de la puissance publique, pour des raisons tant stratégiques que budgétaires, le choix de la juridisation d’une politique publique ne va pas sans poser problème. Depuis longtemps, certains pensent qu’on ne change pas la société par décret, croyant davantage à l’éducation, à la médiation ou aux leviers financiers. Et, de toute évidence, même la pénalisation des infractions en droits de l’urbanisme et de l’environnement ne produit pas l’effectivité des règles adoptées. 

Cependant, une fois validé le principe même de l’utilisation du droit, des choix doivent être opérés entre les multiples outils disponibles : la France offre en la matière une palette extrêmement diversifiée et potentiellement très interventionniste, traversant les codes de l’urbanisme, du patrimoine, de l’environnement, pour ne citer que ceux-là. Les choix effectués développent alors eux-mêmes une narration du patrimoine, car il est évident que comme les espèces naturelles protégées, les objets culturels dits « remarquables » aux yeux du droit ne sont bien souvent que les patrimoines « remarqués », laissant dans l’ombre de la réglementation d’autres catégories patrimoniales qui auraient pu tout autant être saisies par le droit. Le choix même des outils techniques (planifications urbaines, classements, conventions, exonérations fiscales, etc.) porte un discours différent sur les patrimoines, oscillant entre le bien commun justifiant la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique et la propriété privée mise au service d’un intérêt général culturel. 

L’exemple territorial retenu pour illustrer cette approche sera celui de la ville d’Angers, 17e ville de France (155 000 habitants). Ville historique du roi René, elle possède le plus grand château fort de France mais aussi deux quartiers historiques particulièrement préservés, ainsi qu’un tissu urbain du dix-neuvième siècle tout à fait intéressant. En revanche, presque tout le patrimoine industriel de cette époque a fait l’objet d’une politique de la « table rase », signant une narration sur le patrimoine, tournant le dos à son histoire ouvrière. La ville d’Angers est également marquée par une absence totale de document d’ensemble de protection du patrimoine ; mais elle vient de mettre à l’étude un projet de secteur sauvegardé (choix très différent d’une aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine, qui génère un discours patrimonial très historique), et achève de construire un plan local d’urbanisme patrimonial rendu nécessaire par la dernière annulation de son document d’urbanisme pour insuffisance de protection des patrimoines bâtis et végétaux…

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