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Comment la valorisation du patrimoine par la population locale devient son ultime menace? Carthage : Un patrimoine millénaire en partage / Un patrimoine en danger (Les ambivalences de l’appropriation du site par la population)

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Paper
Duration:
30 minutes
Cette intervention s’inscrit dans le thème suivant ‘Les fabricants de patrimoine : le militant, l’expert, et leur interchangeabilité (le patrimoine change la population, l’environnement et l’économie mais risque de se changer et de transformer profondément sa valeur patrimoniale exceptionnelle)’.Elle débute avec un aperçu sur la chronologie relative au site de Carthage. Ensuite, elle explore les ambivalences de l’appropriation de ce patrimoine par la communauté locale qui a entraîné sa valorisation mais qui risque de le changer définitivement en menaçant sa pérennité. Enfin elle définit la politique de gouvernance entreprise par le pays pour '‘sauver " cet héritage. ***** La Tunisie célèbre cette année le 36ème anniversaire de l’inscription du site archéologique de Carthage sur la liste du patrimoine culturel de l’humanité : Cette Carthage , étant donné sa valeur patrimoniale exceptionnelle ((VUE) : Lieu exceptionnel de brassage, d'éclosion et de diffusion de plusieurs cultures qui se sont succédé (phénico-punique, romaine, paléochrétienne et arabe), son importance physique, identitaire, morale et culturelle, a toujours été au centre des préoccupations et a constitué depuis longtemps un atout majeur pour la Tunisie qui confère un prestige important au pays. On note tout d’abord que le nom de Carthage résonne encore comme celui d’une grande métropole de l’histoire antique : ancienne rivale de la Grèce antique puis de Rome, étendant ses réseaux sur l’ensemble du pourtour méditerranéen. Actuellement, elle est l’un des sites culturels emblématiques de la Tunisie : à la fois site du patrimoine Mondial, haut lieu de l’histoire de la Méditerrané et du monde, recevant plus de 700.000 visiteurs par an, siège de la souveraineté nationale et cité résidentielle de 17.000 habitants. Il convient d’annoncer que la valorisation symbolique de Carthage dans les discours politiques nationaux successifs, a mis en avant la cité antique et son appropriation dans un discours identitaire : \- Commençant par le protectorat qui a constitué le point de départ de cette appropriation visant à faire de la Tunisie la porte d'entrée pour christianiser l'Afrique et de faire de Carthage la capitale chrétienne du continent (commençant par les fouilles archéologiques entreprises par le corps missionnaire des Pères Blancs, dès la fin du XIXe siècle, et soutenues par les dirigeants du protectorat et se manifestant physiquement par l'édification d'une cathédrale dédiée à Saint-Louis est entreprise dès 1884 au cœur même du site archéologique, au sommet de la colline de Byrsa ) . \- Après la fin de la colonisation, un deuxième discours a mobilisé le site de Carthage pour asseoir l’identité nationale tunisienne. Alors, la cité antique est mise en avant comme le symbole d’un héritage millénaire pour démontrer la multiplicité de l'histoire du pays. Ainsi, en parallèle d'une politique volontariste d'éducation et de laïcisation de la Tunisie, le régime de Habib Bourguiba a valorisé la civilisation carthaginoise plurielle et ouverte aux différentes influences du monde méditerranéen. Cette mobilisation de l'image de Carthage a permis aussi de donner une image prestigieuse de la Tunisie à l'international. Cela s’est manifesté d'abord par la construction du palais présidentiel dans le cœur du site et sur la colline archéologique dite Borj Jdidi, comprenant l'ensemble des services de la Présidence de la République et lieu des principales déclarations présidentielles en faisant ainsi le centre de la décision politique et aussi par la reprise du nom identitaire de Carthage et ses dérivées par de nombreux acteurs publics et privés, comme l'atteste par exemple le baptême de l'aéroport de Tunis, principal point d'entrée « Aéroport Tunis Carthage ». \- La mise en valeur de l'image multiculturelle de Carthage, « riche de trois mille ans d'histoire » est mobilisée comme un argument du pouvoir central contre les courants islamistes qui émergent en Tunisie et dans le monde arabe durant les années 1980 et 1990. Initiée sous le régime de Bourguiba, ce discours est particulièrement réemployé sous le régime de Ben Ali. \- Enfin, la Révolution qui a conduit à une réappropriation de ce patrimoine par la population tunisienne. Cependant, ces appropriations symboliques de Carthage ont des conséquences paradoxales sur la valorisation de son patrimoine historique et archéologique, malgré les normes de protection édictées depuis le protectorat. En effet, elles ont accru la pression urbaine sur le site archéologique, en contribuant à un décentrement de la métropole tunisoise et une valorisation très concrète du site et de ses environs. Tout d'abord, la valorisation du site va provoquer un vaste mouvement d'urbanisation de Carthage en attirant des visiteurs et, avec eux, de nouveaux arrivants qui viennent rechercher les débouches économiques crées par la nouvelle demande de services.

Arfaoui Wided

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