12.00 Discussion et conclusions
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La question de la « mise en patrimoine » d’éléments culturels devient depuis plusieurs années l’un des moyens par lesquels les groupes amérindiens recherchent une visibilité et une reconnaissance dans un paysage social et politique marqué aujourd’hui, dans la plupart des pays latino-américains, par le multiculturalisme institué en mode de gouvernance. Ces processus qui se déploient au-delà du cadre national sont globalement liés à un discours procédant par objectivation, essentialisation et ethnicisation des cultures indigènes. On observe ainsi des formes d’inculcation de schèmes, formulées en dehors des sociétés amérindiennes, qui font que celles-ci transforment aujourd’hui certaines de leurs pratiques quotidiennes en éléments d’un patrimoine culturel objectivable, transmissible et conservable. Mais au sein de ces groupes, les conceptions de ce qui doit être conservé ou être oublié, les manières de transmettre les connaissances et les savoirs, les modes d’historicité, semblent parfois aller à l’encontre de l’idée même de la patrimonialisation telle qu’on l’entend dans le monde occidental.
Les formes de transmission mémorielle des sociétés amérindiennes et minorisées ont alors une double dimension. D’une part, elles se construisent dans une matrice culturelle et sociale locale qui leur est propre. D’autre part, ces formes de transmission mémorielle sont aussi, pour beaucoup, désormais investies au sein d’un monde globalisé en tant que ressources mobilisables pour conforter une identité collective, voire de nouvelles formes d’indianité nécessaires pour se placer sur l’échiquier national, voire international.
L’analyse des configurations patrimoniales que l’on peut ainsi observer sur le terrain demande alors une élucidation de ces formes d’imposition et d’adaptation, mais aussi la compréhension de la manière dont les acteurs indigènes ont su, en retour, se réapproprier un droit à construire un discours propre sur leur culture et à l’instituer comme source d’une affirmation identitaire.
Le projet FABRIQ’AM dont nous présenterons quelques résultats ne s’attachait pas à dresser une typologie des similitudes et des différences entre les formes de mise en patrimoine, mais plutôt à comparer des représentations catégorielles, des cadres, des relations, des processus de construction de sens et de composition des discours. En termes plus généraux, il s’agissait de saisir des logiques de monstration, de pérennisation, de transmission et d’identification. Nous présenterons ainsi quelques résultats d’analyses d’expériences autochtones autour de la patrimonialisation culturelle pour en dégager plusieurs réflexions sur les formes de cohabitation et de composition de différents régimes de savoirs, régimes d’actions et régimes d’historicité.