11.00 L’expertise « mise en scène ». Une expertise d’artiste ? Le cas de Mark Dion
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Cette intervention se propose de contribuer aux questionnements que ce colloque se pose à l’égard du rôle de l’expertise patrimoniale. En particulier, en analysant un cas d’expertise muséologique et muséographique que l’on pourrait définir « d’artiste », celui du plasticien Mark Dion et de ses projets d’agencement pour les collections des musées.
Ayant souvent travaillé pour mettre en valeur la collection et ses objets normalement « cachés » dans les dépôts (Curiosity Cabinet for the Wexner Center of the Arts, Columbus, 1997 ; Oceanomania, Monaco, 2011 ; The Academy of Things, Dresde, 2014-2015), Dion poursuit une pratique que l’on pourrait faire remonter aux exhibitions surréalistes, faisant de l’exposition son œuvre.
Le point de départ de notre analyse est l’exposition « The Marvelous Museum. Orphans Curiosities and Treasures » en 2010 au Oakland Museum of California, qui cristallise au mieux les enjeux et les questions liées à cette forme d’expertise et d’expérience. L’artiste interroge et met en question ici l’expertise « experte » et officielle, à travers une installation qui reconstitue trois bureaux de conservateurs et qui montre des objets dans leurs caisses et emballages, dans une tentative de dévoiler le processus même de constitution de cette expertise.
Quelle est la valeur patrimoniale d’une telle opération ? Peut-on parler d’ « œuvre-expertise », et est-elle déjà patrimoine ? Quelle position prend l’artiste par rapport à celle que l’on pourrait définir comme une « inversion de rôles », et quelle par rapport à l’expertise « officielle » du conservateur du musée ?
Le cas de Dion s’avère idéal pour chercher une réponse à ces interrogations, qui renvoient aussi à des problématiques plus vastes liées au musée moderne. L’artiste donne ainsi sa propre définition de musée : « 1. The resting place for trophies, souvenirs, loot and other objects stripped of functions. 2. The location where the history of the ruling class is passed off as public. 3. Site of the production of the “official history” be it about art, history, nature or biography. The place of progress », Dans le travail de Dion, le musée constitue en effet un élément central de réflexion, qui se conjugue par ailleurs à la poétique merveilleuse du cabinet de curiosités, considéré par certains historiens en tant que l’ancêtre de nos musées, coffres du patrimoine.
Ces réflexions de l’artiste s’insèrent dans une très riche littérature au sujet du cabinet de curiosités et de son rapport avec le musée. Néanmoins Dion – par ailleurs défini comme « chef de file du renouveau du cabinet de curiosités » – prend place dans cette historiographie en tant qu’artiste, et non pas en tant que critique ou curateur de musée.
Avec cette intervention, nous nous proposons donc d’analyser cette dialectique particulière entre l’artiste et « l’expert » au sein du musée moderne, ainsi que les enjeux patrimoniaux que ce rapport implique.