11.30 « Break a leg! » : La question de la compatibilité de la terminologie employée dans les processus de sauvegarde du PCI avec les outils associés à l’action culturelle
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Cette communication tentera de montrer de quelle façon le type de langage anthropologique présent dans la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO (2003), ainsi que dans la Loi sur le patrimoine culturel du Québec, ne s’adapte pas toujours bien à celui de l’action culturelle et conduit à un difficile arrimage avec les processus d’intervention publique, qui, eux, utiliseront généralement une terminologie s’approchant de celle de la Convention pour la promotion de la diversité des expressions culturelles (UNESCO, 2005), voire de la Loi sur le ministère de la Culture du Québec. La communication tentera d’analyser de façon comparative comment les outils lexicologiques mis en place par les instruments liés au PCI semblent parfois en décalage, voire en concurrence, avec leurs objectifs même, oblitérant en partie les améliorations souhaitées quant à la situation du déclin des traditions orales à travers le monde. La rareté de la mesure quantitative des actions menées au nom du PCI dans la littérature ne serait guère étrangère non plus au lexique généralement utilisé dans les processus de « sauvegarde » du PCI.
La question d’un code d’éthique, telle que formalisée dans un document aux fins de discussion en comité d’expert à l’UNESCO (2015), n’échappe pas à certains écueils engendrés par une terminologie à dominance anthropologique, basée sur l’observation de comportements et de coutumes. Les sujets agissants principaux de ce document préparatoire demeurent en effet les mêmes que ceux de l’ancienne Recommandation sur la culture traditionnelle et populaire de 1989, à savoir les chercheurs, les institutions muséales et les pouvoirs publics (en particulier les États). Les acteurs du PCI n’apparaissent donc pas en tant qu’acteurs essentiels d’un éventuel code d’éthique tel que discuté, mais bien généralement comme ses objets, malgré le soin dans le document de réflexion de l’UNESCO de faire mention qu’ils doivent être centraux dans tout processus lié au PCI. Le fait que l’on ne parle pas de « citoyens » dans la Convention de 2003, mais bien d’individus, de groupes ou de communautés, trouvera également difficilement prise au sein de l’appareil d’intervention. Cet exposé tentera d’évaluer comment l’utilisation d’un langage de nature anthropologique permet en outre aux États d’esquiver la mesure des résultats de leurs efforts.
En effet, tant au Québec qu’ailleurs dans le monde, relativement peu de données statistiques directes sur le PCI – ou présentées au nom de ce concept – ont été publiées à ce jour. Il existe incidemment encore assez peu de littérature sur l’évaluation des politiques culturelles liées au PCI ou sur les impacts réels des actions menées au nom de ce concept. Cela devient une préoccupation de plus en plus sensible : les porteurs de tradition et leurs représentants associatifs, qui cherchent à développer leurs activités, appellent en effet à analyser l’efficacité des stratégies de sauvegarde publiques et à mettre en place des programmes adaptés. Les informations quantitatives sur les facteurs sociaux et économiques liés aux pratiques fondées sur la tradition orale ou gestuelle deviennent un outil essentiel dans la conduite d’une sauvegarde axée sur les résultats. La question de la terminologie employée et de sa compatibilité avec des instruments nationaux de mesure statistique acquiert là une importance renouvelée.