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Multiculturaliser le musée colonial, ça change quoi?

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Paper
Duration:
30 minutes
Au coeur des débats et réflexions concernant l'intégration de l'immigration qui se développa en Europe au cours des années 1990, l'institution muséale joua un rôle de premier plan. En effet, alors que les musées constituent des lieux de diffusion de valeurs, symboliquement et culturellement construits (Bennett, 1998), ces derniers y créent une mémoire et des significations au travers d'un processus de définition et de sélection d'éléments définis par des intérêts politiques (Silven, 2010). Ainsi, alors que les musées nationaux auraient contribuer, dès leur création, à la formation d'une identité nationale au travers de la mise en exposition d'une histoire et d'un patrimoine communs (Macdonald et Fyfe 1996), le rôle des musées actuels serait progressivement passé de celui d’inculquer un sens moral à la population à celui d'encourager l’acceptation de la diversité culturelle (Witcomb, 2003). Au cours des années 1990, parallèlement aux questionnements portant sur les possibilités du "vivre ensemble" (Hall, 1993; Touraine, 1997), il fut en effet considéré que les musées possédaient un rôle majeur dans la construction d'une nouvelle identité multiculturelle, tolérante envers la diversité culturelle (Watson, 2007). Au sein de cette logique, une importante muséalisation de la diversité culturelle vit le jour, notamment au sein des anciens musées ethnologiques coloniaux. Alors que ces derniers se situaient dans une profonde crise existentielle depuis les années 1960, suite à une série de causes tant internes qu'externes à l'institution et à ses liens avec la discipline anthropologique, la volonté politique de favoriser des valeurs multiculturelles redonna un nouveau sens à ces institutions (Mazé, Poulard et Ventura, 2013), au travers d'une volonté de déconstruire les représentations coloniales du monde qu'elles avaient contribué à forger. D'immenses rénovations virent ainsi le jour, notamment à Göteborg, Amsterdam, Bruxelles, Paris, Anvers, Cologne, Berlin ou Francfort, rompant formellement avec leurs ancêtres, au sein d'édifices remaniés voire redessinés par les architectes-stars du moment vantant la multiculturalité des lieux les accueillant, devenue synonyme de leur modernité. Face à l'ampleur de ces rénovations, et à leur caractère "hégémonique" dans le panorama ethnomuséal européen, une analyse de leurs bases conceptuelles devient urgente dans l'optique d'une approche patrimoniale critique. A partir des résultats d'une étude de terrain menée dans trois institutions nationales (Musée royal de l'Afrique centrale de Tervuren, Musée des Tropiques d'Amsterdam et Musée des cultures du monde de Göteborg), cette communication se penchera sur l'une des principales caractéristiques conceptuelles de cette représentation du multiculturalisme afin d'en juger les effets dans la mise en place d'une supposée "zone de contact" plurivocale (Clifford, 1997). L'intégration de ces valeurs constitue en effet une part intégrante du "tournant culturalisant" (Parsanoglou, 2004) amorcé par les sciences sociales dès les années 1970, au sein duquel le terme de "multiculturalisme" correspondrait à l’apparition d’un nouveau vocabulaire néolibéral issu d’une volonté de dépolitisation des rapports sociaux (Bourdieu et Wacquant, 2000), voulant en outre "à la fois, tout et ne rien dire" (Kincheloe et Steinberg, 1997). Comme cette communication le montrera, cette particularité sémantique appliquée à la volonté décolonialisante de ces institutions aura pour conséquence muséologique la demande de "participation" des immigrés à la création des discours, dès lors perçus comme incarnant des "communautés-sources" situées à mi-chemin entre un "ici" et un "là-bas", et la création de forums de cultures du monde, où ces dernières se côtoieront cependant de manière dépolitisée au sein d'expositions thématiques qui intègreront des exemples d'art contemporain dit "ethnique", et de patrimoine "métissé" (Turgeon, 2003) propres d'un "multiculturalisme ludique" (Matuštík, 1998). Analysé dans ce sens, ce "multiculturalisme muséologique", contribuerait à reproduire l'idéologie (et donc l'ordre social) qui en rend l'existence possible (Yazgi, 2005), constituant de la sorte un véritable "discours patrimonial multiculturel autorisé", profondément excluant.

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