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Patrimoine culturel et normes juridiques : quels changements réciproques ?

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30 minutes
« Le patrimoine, ça change quoi ? ». Pour le juriste, la question évoque inévitablement les réformes juridiques adoptées dans de nombreux pays en vue de protéger le patrimoine culturel. De ce point de vue, le contexte actuel traduit une double évolution : d’une part, la volonté de diversifier les normes applicables, en conférant à certaines d’entre elles davantage de souplesse ; d’autre part, la nécessité de justifier l’intervention de normes en la matière. En premier lieu, il apparaît que la protection et la conservation du patrimoine culturel s’effectuent presque toujours en vertu de ou selon un texte, peu importe sa forme. Au-delà des normes dures – une norme législative ou réglementaire ou un acte en dérivant –, se manifeste de plus en plus souvent un droit souple, parfois mou, voire gazeux surtout lorsqu’il est en gestation. Les modalités actuelles de la protection du patrimoine culturel permettent de dégager une constante dans les discours de certains acteurs, qu’ils soient partisans d’une dérégulation ou d’une protection diffuse : la préférence pour le recours à un « autre droit », car le droit étatique – celui qui vient immédiatement à l’esprit désormais lorsque l’on emploie le mot « droit » – ne peut pas tout et il n’est pas non plus « cet absolu dont souvent nous rêvons » (Jean CARBONNIER, 2001). Il s’agit, par exemple, des guides à l’usage de l’administré, de l’ « éthique » pratiquée par un secteur professionnel ou encore des codes de déontologie. La théorie du droit peut aider à situer et identifier les mécanismes à l’œuvre grâce à la théorie de la pluralité des ordres juridiques (Santi ROMANO, 1975) et, plus encore, à une démarche de « microscopie du droit » (Lucien FRANCOIS, 2001) : il convient de se demander si les règles d’éthique peuvent réellement produire un comportement constant au sein des professionnels et des acteurs de la protection du patrimoine culturel, dès lors qu’elles s’accompagnent d’une menace diffuse en cas de non-conformité (stigmatisation par le groupe, sanctions privées, exclusion, etc.). Le « droit souple » peut éventuellement se révéler comme une « pièce nécessaire » du puzzle de la protection du patrimoine culturel. En second lieu, la norme de protection du patrimoine culturel tend à effectuer une justification de sa pertinence dans la mesure où elle est la cible de constantes attaques de la part de ses opposants car elle restreindrait certains principes fondamentaux – la propriété, la libre entreprise, l’aménagement du territoire, la liberté des échanges dans le commerce international, etc. – en adressant des injonctions et donc en imposant des limites. Pour ce faire, la norme envisagée devrait d’abord être l’objet d’une « évaluation économique » à l’aune de l’analyse économique du droit, par-delà l’approche plus traditionnelle de l’économie de la culture. Il serait donc opportun de savoir ce que change la norme dans la protection du patrimoine culturel et, partant, les conséquences positives et négatives de cette norme par rapport aux objectifs qui lui sont assignés. Ensuite, il conviendrait de transposer dans la sphère de la protection et de la conservation du patrimoine culturel certaines réflexions issues de la protection et de la conservation du patrimoine naturel, par exemple l’analyse coûts-bénéfices. Il serait alors approprié de traduire le concept de « services écosystémiques » et celui, corrélatif, de « paiements pour les services écosystémiques » dans la sphère du patrimoine culturel. Par exemple, la diversité culturelle et les services qu’elle rend (image de marque d’un pays, tourisme, …) ont des retombées positives directes pour la collectivité ; ces services assurent du reste des fonctions essentielles au maintien de la vie en société et contribuent à la santé humaine, au bien-être et à la croissance économique. Pourtant, le patrimoine culturel subit des pertes irrémédiables, à l’instar de la biodiversité. Cette contribution vise à évaluer l’effectivité de la norme dans un milieu contraint à l’aide des outils de la théorie et de l’analyse économique du droit, en vue de dégager de nouvelles normes en matière de protection du patrimoine culturel et d’étudier leur rapport aux individus, communautés, entreprises et États.

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