16.00 Les enjeux territoriaux des (ré)écritures patrimoniales : le cas du geocaching
My Session Status
What:
Paper
When:
11:00, Saturday 4 Jun 2016
(30 minutes)
Where:
UQAM, pavillon J.-A. De Sève (DS)
- DS-2520
D’origine nord-américaine où il a été créé en 2000, le geocaching est une pratique numérique ludo-récréative qui connaît depuis quelques années un développement rapide en Europe, et notamment en France. Son principe est simple : des placeurs (11892 « cache owners » en France en octobre 2015) créent des caches contenant une petite boîte, la plupart du temps à proximité de leur lieu de résidence, car il faut les surveiller et les entretenir. Généralement de toute petite taille, ces boîtes sont dissimulées dans un environnement quotidien, aussi bien en ville qu’en pleine nature. Ces « trésors », grâce à leur géolocalisation et aux indices déposés par les placeurs sur le site de référence du jeu (www.geocaching.com), doivent être découverts discrètement par les joueurs ; une fois trouvées et loguées sur internet, ces boîtes sont remises en place pour les autres joueurs. A l’échelle de la Métropole Rouen Normandie réunissant 495 000 habitants dans 71 communes urbaines, périurbaines et rurales, nous envisageons la façon dont la pratique du geocaching permet d’écrire et, parfois, de réécrire le patrimoine local. Après avoir recensé l’intégralité des caches présentes sur notre aire d’étude, nous avons réalisé une typologie des propositions patrimoniales de cette communauté sur la base du thésaurus MERIMEE.. Par ailleurs, cette recension a été prolongée par l’identification de ce qui est labellisé par les institutions (par exemple patrimoine du XXe siècle, jardins remarquables….) et de ce qui procède d’une invention patrimoniale populaire. Enfin le protocole méthodologique est complété par une analyse textuelle, via ALCESTE, sur la base des descriptions liées à chacune des caches. Distribué en classes lexicales, le corpus est réinterprété au travers d’une analyse factorielle des correspondances (AFC), permettant d’analyser la narration collective du patrimoine de proximité de la métropole rouennaise. Enfin, des entretiens ont été passés avec des géocacheurs qui ont montré dans leurs descriptions des caches un intérêt particulier pour la dimension patrimoniale des lieux qu’ils ont jugé remarquables, sans pour autant qu’ils aient été particulièrement identifiés par les acteurs institutionnels : l’intérêt pour l’histoire locale, la beauté d’un paysage, la fierté devant la richesse des espaces environnants, le partage d’une émotion esthétique, etc... L’intérêt scientifique de l’étude du geocaching est de révéler le rapport qu’entretiennent les géocacheurs locaux avec leur patrimoine de proximité. Par les emplacements choisis pour déposer les boîtes et par les descriptions des sites, postées sur les applications dédiées, s’exprime une attention patrimoniale au territoire habité, parfois même sans que les joueurs en aient une claire conscience. Certes le geocaching est d’abord un jeu, mais il ne peut s’envisager sans ce rapport affectif au territoire, ce qui en fait sa valeur aux yeux des pratiquants. Les localisations des caches révèlent la couverture assez systématique des lieux emblématiques d’un territoire (monuments historiques, sites classés et labellisés), mais elle montre aussi la volonté des géocacheurs d’attirer l’attention sur des lieux plus « ordinaires » et moins connus : petit patrimoine local, paysages, sites légendaires, voire, parfois, une expérience ou un souvenir personnels. Le geocaching permet d’appréhender les mécanismes complexes d’un processus de patrimonialisation dans lequel interviennent désormais, aux côtés des institutions, les populations, mais aussi des entreprises privées qui proposent des contenus patrimoniaux en lien avec cette pratique. Tout ceci permet des réécritures patrimoniales de l’espace familier dont les institutions ont désormais bien conscience, à la fois parce qu’elles réinterprètent le patrimoine institutionnel classique et parce qu’elles inventent un nouveau patrimoine « populaire » jusqu’alors totalement impensé des acteurs publics.