10.00 Interroger les légitimités : Expertises de l’Inventaire et expériences habitantes
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What:
Paper
When:
9:00, Tuesday 7 Jun 2016
(30 minutes)
Where:
Cette communication interroge la place respective des professionnels du patrimoine et des habitants dans la construction d’un « diagnostic patrimonial » participatif, idée lancée par le Service de l’Inventaire et du Patrimoine de la région Ile-de-France (France) et ayant donné lieu à une recherche en partenariat avec une équipe de chercheurs en géographie. L’idée de l’inventaire participatif est en effet impulsée par certains professionnels de l’Inventaire au courant des années 2000, conscients des limites de leur méthodologie et de la nécessité de « moderniser » une institution patrimoniale parfois en peine de reconnaissance. Cette contribution entend donc analyser le contexte et les intentions de cette « ouverture » des experts à la parole habitante, une parole certes prise en compte depuis longtemps dans la tradition française de l’Inventaire, mais nouvellement valorisée. En quoi la sollicitation des habitants par le Service de l’Inventaire révèle-t-elle l’existence de nouveaux impératifs liés à l’expertise patrimoniale partagée dans un contexte de recompositions institutionnelles et territoriales importantes ? Les habitants ne seraient-ils pas les experts tout désignés pour parler du patrimoine de leur ville ? Cette contribution s’appuie sur une recherche de terrain entamée en 2014 en partenariat avec le Service de l’Inventaire d’Ile de France, qui vise à comprendre ce qui fait patrimoine pour les habitants vivant dans trois communes de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise. Par la mise en place d’une méthodologie participative (entretiens, balades urbaines, ateliers), cette « recherche-action » vise à confronter, croiser et trouver des points d’articulation entre les cultures « habitantes » et les cultures professionnelles du patrimoine, dont l’objectif premier est d’enrichir la méthodologie du diagnostic patrimonial pratiquée sur le terrain par les professionnels de l’inventaire. Au-delà, cette recherche questionne véritablement les différentes légitimités dans les processus de patrimonialisation contemporains leur difficile conciliation. Cette contribution souhaite discuter certaines questions émergeant de la recherche qui a pour objet de confronter les regards sur le patrimoine des professionnels et des habitants. Nos enquêtes permettent de mettre en évidence des divergences avec les catégories patrimoniales définies par les professionnels, lesquelles portent peut-être moins sur l’élargissement catégoriel patrimonial que sur la formulation d’autres critères et valeurs de ce qui fait patrimoine. L’expertise porterait alors sur des connaissances différentes. Dans cette approche, la notion d’expertise d’usage est notamment à interroger, en lien avec les pratiques habitantes et les « émotions localisées ». Par ailleurs, l’observation des balades montre que la prise de parole est inégale, les postures sont différentes selon les statuts de chacun : l’expert présente certains éléments patrimoniaux devant un public d’habitants qui attend d’une certaine manière un regard de « sachant ». Toutefois, certains habitants acquièrent également ce rôle d’ « expert », notamment des associatifs engagés dans des revendications patrimoniales. Ces changements de « rôle » durant le temps de la balade sont-ils le fait d’une confrontation éphémère ou le signe d’une acceptation de l’expertise partagée ? Enfin, l’analyse de la réception de la parole des habitants par les professionnels montre que la prise en compte de l’expertise habitante, qui vient décentrer certains processus de reconnaissance, reste toutefois difficile. Nous questionnerons ces dialogues, dissonnances agencements nouveaux en nous appuyant sur la notion d’Authorized Heritage Discourse (AHD) développée par Laurajane Smith au sujet de l’archéologie. Celle-ci relie normes et pratiques de la définition du patrimoine, et enjeux de pouvoirs. Nous nous interrogerons notamment sur la possibilité d’une contestation voire d’une relativisation de ce discours patrimonial « autorisé » (l’expertise professionnelle) en France aujourd’hui, par de nouvelles pratiques participatives incarnant des modalités d’expertises différentes.