15.30 Le projet de Centre historique de la mine King de Thetford Mines : mise en valeur d'un patrimoine controversé
My Session Status
En novembre 2011, la dernière mine d’amiante de Thetford Mines ferme ses portes, mettant fin à près de 130 années d’exploitation du minerai dans la région. La ville, dont l’économie dépendait en grande partie de l’industrie minière, doit en conséquence trouver de nouveaux vecteurs de développement. C’est alors que l’héritage unique laissé par cette industrie se présente comme une ressource potentielle à mettre en valeur sur le plan touristique.
Au début de l’année 2013, la Ville de Thetford Mines et le Musée minéralogique et minier présentent le projet du Centre historique de la mine King. Le projet propose la transformation d’un ancien chevalement abandonné, situé au cœur de la municipalité, en centre d’interprétation de l’histoire minière de la région. Entouré d’un parc urbain, le centre sera également pourvu, en son sommet, d’un observatoire panoramique donnant vue sur le paysage façonné par l’extraction de l’amiante. S’inspirant de projets similaires de mise en culture de friches industrielles, particulièrement ceux réalisés dans la région de la Ruhr, le projet du Centre historique de la mine King est toutefois mis en œuvre dans un contexte plutôt singulier. L’histoire locale qu’il cherche à mettre en valeur est en effet associée à un minerai honni : l’amiante, aujourd’hui banni dans plus de cinquante pays à travers le monde puisque prouvé comme étant hautement cancérigène, est au cœur d’une controverse qui dure depuis plus de trente ans. Malgré l’avis de la communauté scientifique internationale et celui du ministère fédéral de la Santé sur les dangers de l’utilisation de l’amiante, le Canada a continué à extraire et exporter le minerai jusqu’à tout récemment. Il s’agit là d’un passé parfois difficile à assumer.
En 2009, la MRC de l’Amiante (municipalité régionale dans laquelle se trouve la ville de Thetford Mines) a même changé son nom pour MRC des Appalaches, affirmant que l’amiante faisait partie de leur passé, mais non de leur présent ou de leur avenir. Institutions et organismes locaux ont également retirés le mot « amiante » de leur nom aux cours des dernières années, cherchant à redéfinir leur image. Dans ce contexte particulier, marqué par des revendications identitaires opposées et une reconnaissance difficile de la valeur de l’héritage laissé par l’exploitation de l’amiante, comment est-il possible pour une municipalité de faire usage de son patrimoine minier afin d’assurer sa revitalisation ?
À l’aide d’un comparatif entre les stratégies utilisées dans la région de la Ruhr et celles employées à Thetford Mines, cette conférence vise à faire mieux comprendre les efforts déployés dans l’ancienne région de l’Amiante pour revitaliser son territoire au moyen d’un patrimoine controversé. Pour ce faire, seront analysés et mis en parallèle les facteurs structurants des projets (leur acceptation sociale, les politiques publiques dont ils relèvent, etc.), les pratiques de mise en valeur utilisées (outils urbanistiques, modes de financement, méthodes de reconversion, etc.) ainsi que les retombées. Bien qu’ayant une présence importante sur le territoire du Québec, le patrimoine et le paysage minier sont des objets très peu documentés. Cette conférence cherche donc à accroître les connaissances sur ce patrimoine particulier dans l’objectif que soient développer des pratiques de gestion et de mise en valeur adéquates. Cette présentation porte comme objectif de mieux saisir comment on se sert, dans un cas spécifique, du passé industriel et de l’identité minière locale comme vecteur de revitalisation sociale et économique. Le thème abordé soutient également à contribuer à l’avancement des connaissances sur un patrimoine peu connu, parfois même contesté, et sur son usage en tant qu’outil de développement territorial.