La présente communication propose une interprétation conceptuelle et méthodologique de la relation entre le patrimoine et le développement local mettant en accent les procédés de désindustrialisation. Nous nous référons ici au processus de disparition de l’industrie manufacturière et la destruction d'emplois industriels, amorcé au cours des années 1970. La littérature fait état de la nécessité d’une densification des savoirs, évoquant l’idée que les conséquences de ce processus alimenteraient le sentiment de désillusion de la société moderne et la tension généralisée qui définit le contexte politique actuel, justifiant ainsi sa pertinence.

Le projet présenté dans le cadre de cette communication s’inscrit dans une redéfinition des études de la désindustrialisation en s’ancrant au contexte local et aux répercussions économiques et sociales qui en découlent, de sorte à enrichir les savoirs conceptuels. Il s’intéresse de ce fait aux questions suivantes : « Quels sont les procédés de recomposition de la société, et quels outils caractérisent cette recomposition ? Quel est le rôle du patrimoine à l’intérieur de tels procédés ? La culture immatérielle et matérielle constitue-t-elle un objet mobilisable, et ce, en parallèle d’une participation active des communautés locales ? »

Cette recherche s’appuie sur une vaste base de données cartographique (deep mapping) en construction de villes de compagnie en Amérique du Nord. Une recension et une documentation des initiatives de patrimonialisation nous permettent de présenter notre identification des bonnes pratiques à l’égard de l’atténuation des effets néfastes de la désindustrialisation. Le projet donne lieu à une contribution théorique substantielle du fait de l’approche transdisciplinaire préconisée. Celui-ci s’inscrit dans le courant des Spatial Humanities qui proposent, entre autres, de recourir aux possibilités de l’environnement numérique afin de densifier et d’enrichir l’interprétation des phénomènes historiques localisés. Des entretiens auprès des figures-clés des processus de patrimonialisation ainsi que divers acteurs locaux d’un ensemble constitutif d’anciennes villes de compagnies, notamment la municipalité d’Iroquois Falls en Ontario ainsi que Powell River en Colombie-Britannique seront également détaillés dans le cadre de cette communication. Nous privilégions de plus des approches méthodologiques innovantes telles que la méthodedes parcours commentés. L’une des principales caractéristiques de cette méthode est qu’elle facilite la compréhension des expériences vécues à l’intérieur d’un contexte spécifique, principalement en relation à l’espace urbain.

Au vu de cette analyse,nous explorons la possibilité de concevoir les savoirs et les savoir-faire en matière de patrimoine comme des leviers d’un développement territorial durable et équilibré et la nécessité, pour y parvenir, de favoriser l’engagement des acteurs locauxet la valorisation du savoir populaire. Il en émerge ainsi de nouveaux outils de gestion pour les professionnels du patrimoine industriel, dont nous ferons la présentation.