Le cas du tourisme « de désert » à Merzouga, sud-est du Maroc
Mon statut pour la session
Mon intervention porte sur des données recueillies pendant une recherche de terrain anthropologique de 17 mois (mars à mai 2018, puis mars 2022 à mai 2023) dans le village Merzouga, situé dans le Sahara du sud-est du Maroc, vivant principalement du tourisme. Les habitants du village sont majoritairement des nomades du groupe tribal des Ait Khebbach, qui se sont sédentarisés près de l’erg Chebbi en raison de l’agriculture oasienne à partir des années 1950. Depuis les années 1980, les dunes (d’une taille de 24 x 8 km) attirent un nombre croissant de touristes occidentaux, mais aussi, depuis les années 2000, nationaux. En conséquence, les habitants élaborent de plus en plus d’activités touristiques. L’arrivée des touristes a déclenché un processus de mise en valeur de l’environnement (le paysage désertique), du patrimoine immatériel et matériel (amazigh et nomade), et a entraîné une amélioration de la qualité de vie des habitants (développement économique, accès à l’éducation scolaire, accès aux services médicaux).
Depuis 2016, une explosion du tourisme que l’on pourrait qualifier « de masse » laisse des traces : l’erg Chebbi et surtout Merzouga sont marqués par un pourtour de bivouacs (environ 150) et d’hôtels (une centaine). Une émergence de structures dites « de luxe » avec piscines, climatisation et chauffage attire une clientèle plus aisée, portant ainsi le nombre de touristes mensuels à presque 12 000 quand la région compte 7000 habitants. Néanmoins, ma recherche de terrain, qui a consisté en un séjour d’un an chez une famille possédant une agence, un hôtel et un bivouac à Merzouga, et cinq mois d’entretiens et de visites chez d’autres familles du village, a révélé que le tourisme reste encore organisé par les locaux.
Mon intervention s’inscrit ainsi dans l’axe « enjeux et effets de la redécouverte touristique de certains territoires jusqu’à présent peu investis par le tourisme » : espaces ruraux, espaces de marges, quartiers urbains, car elle analyse les formes de changement et de continuité que les nomades négocient avec leur implication dans le tourisme, dans sa forme actuelle.
Les nombreuses données facilitent une analyse qui prend en compte les points de négociations entre acteurs locaux. Je me concentre sur les répercussions du développement touristique à Merzouga par les locaux en lien avec leur organisation familiale. Étant d’anciens nomades habitués à la structure tribale et éloignés des influences de l’État, les familles sont organisées suivant des rôles de statut, d’âge et de sexe, négociés au sein des nouvelles entreprises touristiques. J’examine ainsi comment la modification d’un mode de vie mobile fait que les nomades ont une facilité d’adaptation à de nouvelles circonstances.