À la recherche de Pigalle : la question du patrimoine culturel dans le quartier sexualisé de Paris
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Le quartier de Pigalle est situé à la limite du 9e arrondissement et du 18e arrondissement de Paris. Depuis l’ouverture du célèbre cabaret du Moulin Rouge en 1886, Pigalle est reconnu internationalement comme un quartier sexuel et une zone touristique de grande importance à Paris. En utilisant ce quartier comme étude de cas, cette recherche analyse le patrimoine conflictuel (création, évolution, préservation et destruction) à travers des formes multidimensionnelles.
Pigalle a connu plusieurs changements dans son offre, ses pratiques et ses méthodes de conservation, en grande partie en réponse à l’évolution des lois sur le travail sexuel, ainsi qu’aux événements majeurs ayant un impact sur le tourisme et la ville de Paris, et aux circonstances socioéconomiques. Cependant, tout au long de son évolution, Pigalle est resté un paysage sexualisé. Aujourd’hui, la rue principale de Pigalle, le boulevard de Clichy, est bordée de néons, de boutiques de jouets sexuels et de clubs de strip-tease, offrant une atmosphère de « quartier rouge », et le Moulin Rouge propose toujours des spectacles tous les soirs, à un prix élevé, ce qui le rend plus élitiste qu’à l’origine. En outre, la gentrification a largement influencé la dynamique sociale de Pigalle, la manière dont son patrimoine est préservé et les groupes de touristes qu’il attire. Pigalle n’est plus le mélange culturel qu’il était à l’origine, mais plutôt une ségrégation visible. Dans la partie de Pigalle située dans le 9e arrondissement, un sous-quartier s’est développé sous la marque SoPi (South Pigalle) et cette zone accueille un certain nombre de bars et hôtels haut de gamme à l’ambiance « sexy-chic ». Dans la partie nord de Pigalle, souvent appelée le bas de Montmartre, se nichent de charmants petits cabarets, à la fois historiques et contemporains. Ils sont le lieu de prédilection pour des spectacles proposés chaque soir par des artistes qui déconstruisent les normes de genre traditionnelles. Cette tradition s’enracine profondément dans l’histoire de Pigalle tout au long du XXe siècle, et elle reflète également la popularité actuelle des drag-queens dans le monde occidental.
Parallèlement, Pigalle subit activement une désexualisation, et donc une dépatrimonialisation, illustrée par l’émergence de commerces tels que des chaînes de restaurants, des supermarchés, des banques et des pharmacies, et des projets urbains menés par la ville de Paris (la mise en place d’un espace vert sur la place Pigalle, l’ancien centre culturel de Pigalle). Cette désexualisation de Pigalle s’est souvent faite sous couvert d’initiatives visant à revitaliser le quartier, à réduire la criminalité et à servir les habitants. Aujourd’hui, les travailleuses du sexe ne sont plus visibles à Pigalle, elles sont plutôt localisées à la périphérie de Paris, hors des circuits touristiques.
En utilisant des méthodes de recherche qualitative telles que des entretiens semi-structurés approfondis avec des propriétaires d’entreprises locales et des acteurs de la ville de Paris, des entretiens courts avec des touristes et des habitants, et des observations sur le terrain, cette étude du patrimoine culturel à Pigalle analyse la précarité des patrimoines qui est à la fois applicable à de nombreux objets patrimoniaux (matériels et immatériels), mais aussi largement absente dans le champ en développement des études sur le patrimoine. Elle révèle également l’impact « bottom-up » de la préservation du patrimoine dans la mesure où son patrimoine est fortement valorisé et entretenu par les attentes et les pratiques des touristes. Enfin, elle contribue aux discours sur le « patrimoine contesté » en termes de moralité, d’harmonie sociale et de multiculturalisme.