Les origines du développement du tourisme en Chine remontent aux années 1980. En 1978, la première conférence nationale sur le tourisme a été organisée, définissant des lignes directrices et des structures organisationnelles pour le développement du tourisme. L’impératif d’une croissance rapide du tourisme a été souligné à plusieurs reprises. Au fur et à mesure des efforts déployés, de nombreux sites du patrimoine matériel ont été approuvés et mis à la disposition du développement touristique. Aujourd’hui, le tourisme est devenu un pilier économique essentiel. La consommation touristique intérieure constitue une part essentielle de l’économie chinoise, représentant 11 % du PIB total.

En Chine, comme dans les pays occidentaux, les centres urbains sont souvent caractérisés par une concentration dense de bâtiments historiques où s’accumulent de nombreux sites historiques traditionnels associés. Ces biens historiques sont considérés comme d’importantes icônes culturelles, urbaines et touristiques et attirent un grand nombre de touristes. Depuis les années 1980, des politiques nationales et locales de conservation ont été élaborées en Chine pour protéger ces patrimoines, et ils ont généralement été étiquetés « monuments historiques », « monuments nationaux », etc. Cependant, en Chine, à la limite des centres et des quartiers traditionnels, une sorte d’« autre » patrimoine a émergé dans les périphéries urbaines construites entre les XIX^e et XX^e siècles. Ils présentent des particularités par rapport aux quartiers historiques traditionnels : les anciennes zones de concession. Bien qu’elles aient conservé leur souveraineté, elles ont été soumises au contrôle économique et administratif des puissances occupantes. En raison de leurs souvenirs coloniaux et des symboles de l’impérialisme, la touristification de ces régions était officiellement inacceptable à la fin du XX^e siècle.

Toutefois, depuis le XXI^e siècle, ces zones sont reconnues pour leur potentiel touristique et leur paysage culturel unique. Le paysage culturel unique des quartiers sous concession offre une image « exotique » qui se démarque du paysage urbain général de la Chine. Dans ce contexte, les villes ayant des quartiers en concession ont entrepris des projets de préservation et de développement de ce patrimoine. Par exemple, le quartier « Xintiandi » de Shanghai a été rénové en 2002 et, en 2009, l’ancienne concession italienne a été redéfinie comme un nouveau « I Village » à Tianjin. En 2016, le projet de rénovation de Li Huangpi Road à Wuhan a été lancé. Cependant, malgré le désir des visiteurs d’une visite historique « authentique », la touristification de ces zones historiques n’offre pas toujours une expérience basée sur leur passé, mais davantage sur une réorganisation de l’espace et des restructurations de la narration de manière à accroître sa reconnaissance publique et ses fonctions commerciales et culturelles.

Cette étude se concentre sur la transformation de l’ancienne zone de concession à Wuhan, avec un accent particulier sur la dynamique de l’industrie du tourisme. Elle met en lumière les politiques et les projets de transformation lancés par le gouvernement local dans le secteur du tourisme, ainsi que les rôles et les stratégies employées par les entités privées dans le processus de développement touristique du quartier. L’étude offre un aperçu précieux des efforts de collaboration des acteurs officiels et privés pour raconter l’histoire aux touristes, atténuer les souvenirs coloniaux et favoriser les partenariats public–privé afin de promouvoir le développement économique et culturel du quartier.

Une partie importante de l’histoire coloniale est réinterprétée et présentée d’une manière plus adaptable et plus attrayante. Les questions centrales tournent autour des rôles et des positions distincts tenus par les participants officiels et privés dans les processus de touristification. Quelles étaient leurs positions respectives ? Quels efforts ont-ils déployés dans le cadre de ce processus et quels ont été les résultats de ces actions ? En outre, quel a été l’effet de ces transformations sur l’ambiance originale du quartier et sur ses habitants, ainsi que sur les expériences des touristes ?