Patrimonialisation et communautés – le cas du mobilier urbain d’Expo 67
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Actuellement rare au Québec, la patrimonialisation des créations de design industriel offre une perspective de transformation au plan de la diffusion et de la mise en valeur des œuvres exemplaires. Pour réussir, une telle démarche implique nécessairement la contribution des communautés patrimoniales. Comment inclure les différentes communautés d’intérêt pour un tel projet?
Cette présentation propose d’exposer les opportunités et les défis entourant l’implication citoyenne, le milieu professionnel, académique et de la recherche dans le secteur du patrimoine, en s’appuyant sur le cas d’une proposition de classement patrimonial du mobilier urbain de l’Exposition internationale et universelle de Montréal de 1967.1
Le mobilier d’extérieur conçu par Luis F. Villa et Frank A. Macioge est reconnu dès sa découverte à l’Expo 67. Il est constaté cependant que la notoriété des créateurs est dès lors étonnamment faible, malgré les éloges pour leurs créations. Même 50 ans plus tard, il est surprenant de constater que l’œuvre n’ait pas plus de visibilité, malgré tout de même une reconnaissance manifeste des professionnels et du public.
Ainsi, des objets, dont du mobilier issu du courant moderniste du XXe siècle, ont fait leur entrée dans les musées. Par exemple, le Musée national des beaux-arts (MNBAQ) en possède un bon nombre. Le mobilier urbain de l’Expo 67 n’y fait pas exception, signe d’une reconnaissance de valeur artistique de l’œuvre de Villa et Macioge. Une exposition permanente consacrée au design prend place depuis 2016 au MNBAQ et on y trouve un exemplaire d’un modèle de lampadaire créé pour Expo 67. Ce dernier ne représente qu’un seul témoin de la diversité des mobiliers de l’Expo et ne peut témoigner de l’expérience de modularité d’origine. De surcroit, ce dernier n’est pas fonctionnel et est en mauvais état de conservation, tout comme celui de la collection du Centre d’histoire de Montréal. Ces derniers vestiges encore existants constituent donc un pâle héritage des créations de Villa et Macioge.
Vu la grande rareté d’exemplaires restants ou d’intégrité suffisante, il ne subsiste pas d’ensembles connus de mobiliers pouvant témoigner de la modularité et de l’effet harmonieux des ensembles, composés par exemple de bancs, de jardinières et de lampadaires. Ainsi, l’expérience ultime recherchée par Villa et Macioge qui fut à la source de tant d’éloges, ne peut se vivre autrement que dans la matérialité, dans l’expérimentation sensorielle, et non seulement dans la description, l’illustration ou autre manifestation indirecte de l’œuvre. Il s’agit là d’un constat supportant l’importance autant conceptuelle que matérielle du design industriel. Dans les circonstances, rendre justice à l’œuvre d’origine impliquerait donc une réédition de certains éléments emblématiques des mobiliers.
Une proposition de classement patrimonial est actuellement à l’étude au ministère de la Culture des et Communications du Québec. Une conclusion positive de cette démarche ouvrirait la voie à l’opportunité d’une réédition, dans un souci d’authenticité au concept d’origine des créateurs.
Le cas exemplaire du mobilier d’extérieur de l’Expo 67 ouvrirait potentiellement la voie à d’autres œuvres majeures de design industriel aux fins d’accéder à un statut patrimonial. Un statut officiel enviable qui viendrait en garantir la préservation, la mise en valeur et la diffusion. Toute cette démarche ne serait possible qu’avec l’appui et la mobilisation des communautés patrimoniales.
1 La proposition de classement patrimonial a été soumise le 28 avril 2017 au ministère de la Culture et des Communications du Québec. Celle-ci est en cours d’analyse et bénéfice de nombreux appuis citoyens, professionnels et associatifs.