Quarante ans de nécropsies de bélugas de l'estuaire du Saint-Laurent : État gestationnel, mortalités néonatales, et occurrence inhabituellement élevée de mortalités reliées à la parturition

Stéphane Lair, Robert Michaud, Véronique Lesage, Nadia Ménard

Au cours des quarante dernières années, la cause de l'échouage de 30% des 100 bélugas femelles sexuellement matures (âge estimé de 9 à 51 ans) a été attribuée à une dystocie ou autres complications reliées à la parturition. Cette occurrence inhabituellement élevée semble avoir augmenté au cours des années, passant de 19% (1983–2009) à 47% (2010–2022) des femelles en âge de se reproduire. Pendant les mêmes périodes, le nombre médian annuel de carcasses de veaux retrouvées est également passé de 1 à 6 par année. Les nécropsies effectuées sur 35 de ces veaux indiquent que ces échouages seraient consécutifs à des séparations mère-veau. Cette tendance temporelle à la hausse des mortalités péripartum de femelles adultes et de veaux suggère une augmentation de la fréquence des problèmes de parturition potentiellement associés à une exposition accrue à un ou plusieurs facteurs de risques qui restent à préciser. En ne comptabilisant pas les femelles pour lesquelles l'échouage a été associé à la mise bas, le pourcentage de femelles en âge de procréer qui étaient soit gravides ou présentaient des signes de gestations récentes a aussi augmenté, passant de 16% (1983–2009) à 35% (2010–2022). En assumant que ce taux de gestation chez les animaux nécropsiés est corrélé à celui de la population entière, cette observation pourrait suggérer une augmentation du taux de gestation chez cette population. Par contre, l'augmentation de ce taux pourrait aussi être une conséquence d'une diminution de l'intervalle intergestationnel secondaire à un taux de survie diminué des veaux telle que proposée par certains modèles populationnels. Les observations documentées par le programme de suivi des causes de mortalités suggèrent que la fréquence inhabituellement élevée de complication péripartum combinée aux mortalités élevées des veaux a réduit le recrutement depuis 2010 et affecteront de manière vraisemblablement considérable le potentiel d’accroissement futur de cette population en voie de disparition.