Possible rôle du stress et des polluants organiques persistants dans la dérégulation de l’axe thyroïdien chez les bélugas du Saint-Laurent

Jonathan Verreault, Antoine Simond, Valérie Jolicoeur, Magali Houde, Véronique Lesage, Robert Michaud

La population de bélugas de l'estuaire du Saint-Laurent (ESL) est fortement exposée aux polluants organiques persistants (POPs) qui ont été identifiés comme étant l'une des principales causes probables du non-rétablissement de cette population. Au cours des dernières années, un nombre croissant de complications associées à la parturition et à la mortalité de veaux ont été signalées dans cette population. Il a été suggéré qu'une exposition élevée à certains POPs (ex. polybromodiphényléthers [PBDE]) en plus du stress vécu par ces cétacés dans leur habitat pourraient jouer un rôle dans ces phénomènes en interférant avec la régulation des hormones thyroïdiennes. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons utilisé dans une première étude des échantillons de peau de bélugas mâles et femelles adultes, afin d’étudier les relations entre les hormones thyroïdiennes (triiodothyronine [T3], thyroxine [T4], rT3 et 3,5-diiodothyronine [T2]), les concentrations de POPs (PBDE et autres retardateurs de flamme et composés organochlorés ; OCP) et l’hormone stéroïdienne de stress (cortisol). Une autre étude nous a permis d’explorer les liens entre les POPs dans la peau des bélugas et les niveaux de transcription de gènes impliqués dans la régulation de ces hormones. Les modèles linéaires expliquant le mieux (critère d'information d'Akaike) les niveaux de T3, T4, rT3 et 3,5-T2 dans la peau des bélugas, incluaient les variables sexe, cortisol, Σ34PBDE et Σ29OCP. Les niveaux de cortisol figuraient toujours parmi les meilleurs modèles expliquant les variations des hormones thyroïdiennes, mis à part pour T3. Une corrélation négative modérée a également été observée entre les concentrations de T4 et de cortisol dans la peau des bélugas (sexes combinés), alors qu’une corrélation positive modérée a été observée entre les concentrations de T3 et celles des PBDE chez les bélugas mâles. Au niveau des gènes, les concentrations de certains OCP (ex. biphényles polychlorés) et retardateurs de flamme (ex. hexabromobenzène) étaient corrélées avec les niveaux de transcription de gènes impliqués dans la régulation des axes thyroïdiens et stéroïdiens (ex. Thrβ, Esr1, Nr3c1, Hsd11b2) mesurés dans la peau. Ces résultats suggèrent que l’axe thyroïdien des bélugas de l’ESL pourrait être perturbé par une combinaison de stress (cortisol) et l'exposition aux POPs.