Un portrait initial de l’édition de documentaires numériques pour la jeunesse au Québec
Mon statut pour la session
Virginie Martel, Université du Québec à Rimouski, campus Lévis
Jean-François Boutin, Université du Québec à Rimouski, campus Lévis
Dayna McLaughlin, Université du Québec à Montréal
Nathalie Lemieux, Université du Québec à MontréalLa production actuelle d’œuvres de fiction intrinsèquement numériques pour la jeunesse, c’est-à-dire qui ne sont pas seulement des versions numérisées sous différents formats (PDF, EPUB, etc.) de productions imprimées, mais bel et bien des ensembles multimodaux (Domingo, Jewitt et Kress, 2015; Serafini, 2014) qui reconfigurent la dynamique traditionnelle d’accès au sens et de son partage (Bachimont, 2000; Crozat et al., 2011), demeure modeste, du moins au Québec. Ladite reconfiguration de la distribution du sens passe notamment par l’augmentation/enrichissement des œuvres, le recours à l’hypertextualité, l’immersion du lecteur dans un espace narratif interactif et/ou le formatage sous forme d’application (Gobbé-Mévellec, 2014; Lacelle et al., 2017). Quant à la production de documentaires numériques pour la jeunesse, celle-ci s’avère, au mieux, génétique. Une telle situation éditoriale s’explique notamment par le fait que peu d’éditeurs québécois possèdent à la fois les ressources financières, technologiques et logistiques nécessaires à la production et à la diffusion d’ensembles narratifs numériques dans un marché de plus en plus globalisé, délocalisé (Grenier, 2017).
Les résultats préliminaires de notre enquête (inventaire et entretiens) auprès des éditeurs du secteur « jeunesse » au Québec démontrent notamment que leur engagement général envers le numérique dépasse rarement celui de la seule numérisation des contenus (en formats PDF et EPUB), offrant ainsi au lecteur une expérience numérique des plus minimales, dans le meilleur des cas. Par ailleurs, l’édition documentaire numérique reste, dans l’ensemble, une activité anecdotique. Ces résultats sont préoccupants, dans la mesure où 1) l’espace numérique est désormais le lieu social privilégié d’accès au sens; 2) le fossé entre éducation formelle et informelle ne cesse de s’agrandir; et 3) on perçoit toujours et nettement des résistances fortes au déploiement de l’édition numérique, expression d’un certain fétichisme – des plus paradoxales – envers l’œuvre (de fiction ou documentaire) imprimée.
Bibliographie
Bachimont, B. (2000). L'intelligence artificielle comme écriture dynamique : de la raison graphique à la raison computationnelle. Dans J. Petitot et P. Fabbri (dir.), Au nom du sens (p. 290-319). Paris, France : Grasset.
Crozat et al.(2011). Éléments pour une théorie opérationnelle de l'écriture numérique.Document numérique, 14, 9-33.
Domingo, M., Jewitt, C. et Kress, G. (2015). Multimodal social semiotics: Writing in online contexts. Dans J. Rowsell et K. Pahl (dir)., The Routledge handbook of literacy studies (p. 251-266).Londres, Royaume-Uni : Routledge.
Gobbé-Mévellec, E. (2014). Du papier au numérique, du tangible au tactile : rupture ou continuité de l'album ? Le français aujourd'hui, 186(3), 34-46.
Grenier, J. (2017). De l’éditeur au lecteur : De Marque et la distribution du livre numérique. Mémoires du livre, 8(2), 1-37. doi:10.7202/1039705ar.
Lacelle, N. Beaudry, M.-C., Brehm, S. et Lebrun, M. (2017). Compétences, processus et stratégies de lecture en fonction des genres textuels numériques et des supports numériques. Rapport de recherche FRQSC 2017-LC-197526.
Serafini, F. (2014). Reading the Visual.An Introduction to Teaching Multimodal Literacy. New-York, États-Unis: Teachers College Press.