Héritage religieux et patrimoine culturel religieux. Différences et affordances
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Mais ces analyses, porteuses d’une charge symbolique puissante, voire aveuglante, ont peut-être effacé l’autre dimension de toute religion en action: les liens, les hiérarchies, les oppositions et les coopérations que le culte établit entre les hommes sous la forme de l’héritage collectif. Les croyants forment une lignée (Hervieu-Léger 1999), se remémorent un passé (Halbwachs 1950; Assmann 2003) et se transmettent des valeurs et des objets (Grabnur 2001; Godelier 2006). Que le patrimoine culturel reprenne les logiques de l’héritage religieux est difficilement contestable, mais que sait-on au juste de l’étrange superposition qui naît lorsque advient la catégorie de «patrimoine culturel religieux»?
Face à l’extension du champ patrimonial du religieux (Paine 2013), cet atelier permettra de s’interroger sur ce que la prise au sérieux de l’héritage religieux change dans notre analyse du fait patrimonial. Il voudrait ainsi analyser la spécificité et la pertinence de la catégorie «patrimoine culturel religieux» et, partant, renouveler son étude, en dépassant le paradigme du «transfert de sacralité».
On pourrait distinguer trois domaines d’interrogation, qui ne sont ni exclusifs ni restrictifs.
1. Le rôle identitaire du patrimoine religieux. Qu’il soit matériel ou immatériel, le patrimoine religieux a joué un rôle primordial dans l’identification du patrimoine culturel national et dans la construction de la nation, en Occident comme dans les territoires et les contextes post-coloniaux. Il joue également un rôle particulier dans les mouvements de résurgence communautaire et de reconnaissance ethnique. Il constitue l’un des moyens de s’identifier et de se définir, non plus seulement en tant que groupe, mais aussi par rapport aux autres. Comment la triade patrimoine/religion/identité, restée souvent impensée, se configure-t-elle?
2. La patrimoine comme pratique pieuse. Il sera question d’interroger la patrimonialisation comme nouvelle pratique religieuse. En effet, parallèlement à la baisse de la pratique en Occident, on assiste à la naissance d’institutions confessionnelles dédiées au patrimoine religieux, à un renouvellement des usages touristiques des rites et des édifices sacrés, et à un remploi du patrimoine ancien par de nouveaux mouvements religieux. Comment évaluer ces dynamiques entre une standardisation, une déspiritualisation ou une multiplication créative des rapports au religieux contemporain?
3. Les dispositifs du patrimoine religieux. Le patrimoine culturel religieux englobe une série de manifestations matérielles, dont l’existence est parfois indexée sur les usages touristiques, patrimoniaux, économiques ou spirituels qu’elles contribuent à créer. Il s’inscrit, comme par le passé, dans un circuit de consommation qui dépasse le cadre étroit du pèlerinage et de la dévotion. Sa spectacularisation semble être un moyen de rassembler ou d’intéresser bien au-delà du groupe de fidèles. Qu’est-ce que la présence d’un édifice, d’un rituel ou d’un objet dans un contexte non religieux produit sur ses dimensions proprement religieuses?
À l’aide d’exemples précis et de contributions (en français et/ou en anglais) issues de diverses disciplines (histoire, histoire de l’art, sociologie, géographie, anthropologie), périodes et cadres géographiques, cette session souhaiterait ainsi analyser les pratiques de patrimonialisation, de muséification, ainsi que les négociations et les (re)qualifications du fait religieux, et interroger les limites, parfois poreuses, entre religion et patrimoine culturel.
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