11.30 Médecine traditionnelle birmane : Patrimoine à conserver et outil politique
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Sur la base de nombreuses enquêtes de terrain effectuées en Birmanie (Myanmar), en particulier dans l’État d’Arakan, je propose une réflexion sur la patrimonialisation de la médicine traditionnelle birmane. Cette médicine se présente comme un ensemble kaléidoscopique de concepts et de pratiques aux origines diverses : le savoir médical bouddhique inclus dans le canon bouddhique, l’Ayurveda, l’astronomie et l’astrologie, et une panoplie de savoir-faire ésotériques tels que les inscriptions ésotériques, l’alchimie et la récitation de formules.
Cette médecine, ayant été négligée par les colons anglais au profit de la « médecine occidentale », a connu un certain déclin auquel le gouvernement birman postcolonial s’efforce de remédier. Voyant en elle une valide méthode thérapeutique, mais aussi un précieux héritage naturel, culturel, historique et social à défendre, le gouvernement a initié un processus de (re)valorisation de cette médecine qui s’opère par un double mouvement quelque peu paradoxal. D’une part, on observe une prise de distance de la médecine occidentale par la mise en évidence du caractère naturel, national, identitaire, traditionnel de la médecine traditionnelle – aussi bien par le moyen de discours que par l’ouverture de musées et de jardins de plantes médicinales. D’autre part, la médecine traditionnelle se rapproche de la médecine occidentale du fait que celle-ci est devenue le standard de référence, l’étalon de jugement sur la base duquel la légitimité des autres médecines est établie.
C’est ainsi qu’on a assisté à l’ouverture d’instituts et d’une université, d’hôpitaux et dispensaires, de fabriques de médicaments, à l’établissement de licences, mais aussi qu’on a vu disparaître ou se transformer les éléments traditionnels considérés comme non scientifiques ou comme relevant de la superstition. Si la volonté est celle de préserver et de valoriser le patrimoine que représente cette médecine, on s’aperçoit que ce processus en est un de transformation, de reconstruction, de standardisation. Or, dans cette présentation je tâche de montrer que cela ne relève pas seulement de la dominance de la médecine occidentale, mais aussi du processus de construction et d’unification politique par lequel le gouvernement vise intégrer la diversité ethnique dans l’unité nationale.