Le 5 décembre 2012, le comité intergouvernemental de l’Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI) proclame l’inscription du fest-noz, « rassemblement festif basé sur la pratique collective des danses traditionnelles de Bretagne, accompagnées de chants ou musiques instrumentales », sur la liste représentative de la Convention de 2003. Cette inscription est le fruit du travail d'un collectif composé majoritairement d'associations issues du renouveau culturel breton des années 1950 et de la période revival des années 1970. En effet, depuis décembre 2008, avec l'organisation de rencontres régionales sur le PCI, ce collectif - premier cercle concentrique de la communauté patrimoniale bretonne - va rapidement se positionner comme un acteur incontournable dans les actions menées en faveur, et au nom, du patrimoine culturel immatériel en Bretagne. En 2009, il rédige l'Appel à la reconnaissance du PCI en Bretagne afin de mobiliser les pouvoirs publics régionaux - deuxième cercle de la communauté patrimoniale. En 2009-2010, le collectif travaille à l'élaboration de la candidature du fest-noz sur la liste représentative et met en œuvre différentes actions afin de s'assurer de la plus large participation possible des « communautés, groupes et [...] individus ». Afin de répondre à ce critère impératif de validation de la candidature et d'illustrer le « consentement libre, préalable et éclairé » de la communauté, le choix sera fait de mettre en circulation une pétition. De mars 2010 à mars 2011, un peu plus de 6 300 signatures ont ainsi été récoltées.

En SHS, rares sont les travaux qui proposent une analyse sociologique des signataires de pétition. C’est ce que nous proposons de faire ici en appréhendant la pétition qui a été mise en place dans le cadre de la candidature du fest-noz afin d’analyser la communauté à laquelle il a été donné corps à travers ce dispositif performatif, potentiel « observatoire » (Ferri, 2001) d’un groupe social « imaginé » (Anderson, 1983). À partir du traitement statistique des données récoltées, nous nous interrogerons sur le profil sociologique des signataires de cette pétition qui, par la matérialisation de leur soutien au projet patrimonial, deviennent des membres « qui s’ignorent » de la « communauté fest-noz » - et forment ainsi le troisième cercle de la communauté patrimoniale bretonne. Étape nécessaire pour ensuite confronter les résultats obtenus aux représentations mises en avant dans le dossier de candidature du fest- noz. La mise en perspective des données avec les matériaux récoltés durant l’enquête réalisée dans le cadre de notre thèse (entretiens, observations in situ...) ainsi qu’avec les rares enquêtes menées sur le fest-noz (Goré, 2004 ; Tamm-Kreiz, 2016) a pour objectif d’apporter des éléments de réponses à cette interrogation plus générale: l'image du fest-noz patrimonialisé qui insiste sur des notions telles que l'intergénérationnalité ou encore la mixité sociale répond-elle aux réalités des festoù-noz ?