Héritages industriels et patrimonialisations : des usages aux récits, quelles transformations ?
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What:
Paper
When:
9:00 AM, Wednesday 31 Aug 2022
(20 minutes)
Where:
UQAM, pavillon J.-A. De Sève (DS)
- DS-1520
Patrimoine qui « ne va pas de soi » (Leniaud, 1992) et dont la destruction reste « un automatisme culturel » (Gasnier, 2018), les héritages industriels continuent aujourd’hui à trouver difficilement d’autre justification pour leur conservation que celle d’être réutilisés. Cette relative marginalité vis à vis de patrimoines plus institutionnels peut être prise comme une richesse : par l’usage, les héritages industriels se frottent et se percolent avec les représentations actuelles de nos sociétés. Initialement figures de la modernité, aujourd’hui ils s’hybrident et vont ainsi composer d’autres récits : post-modernes, a-modernes, non-modernes (Latour, 1991).
Le cas des Monts d’Ardèche souligne deux traits intéressants. D’une part, la marginalité des héritages y est accentuée : ce sont des sites de petite taille, banaux, peu accessibles et ainsi « les moins à même d’être valorisés » (Edelblutte et Legrand, 2012). Là encore, cet état de fait donne l’opportunité à d’autres acteurs portant d’autres projets d’émerger, là où les institutions patrimoniales ou les promoteurs immobiliers s’en seraient ailleurs saisi. D’autre part, le mélange des imaginaires du rural et de l’industrie forme un « paradoxe » (Vigné, 2020) qui peut favoriser l’émergence de récits alternatifs. L’existence du Parc naturel régional apporte une sensibilité aux notions de développement durable et l’Ardèche méridionale est un « haut lieu d’initiative visant à créer des mondes alternatifs » (Koop et Senil, 2015). Ainsi la réutilisation des sites laisse une large place aux initiatives privées (individus ou associations) ou en collaboration public-privé. Les anciens sites
industriels sont habités, en logements ou en espaces de services, de culture et de loisirs, visités, en musées ou en lieux d’accueil touristiques, réinvestis, en lieux de travail actualisés. Certains ne trouvent pas de nouvel usage et posent d’autres questions. Tous interrogent un rapport au travail, au territoire, à la manière de vivre ensemble.
De quoi les héritages industriels « se rechargent » lors de leur réutilisation ? Comment ces récits se mélangent à celui de la construction patrimoniale ? Cette communication se propose de répondre à ces questions en utilisant les données d’un recensement des sites industriels réutilisés sur le territoire des Monts d’Ardèche et quatre années d’observation participante au sein d’un Parc naturel régional (thèse en dispositif CIFRE). Les apports théoriques sont ceux des sciences sociales, notamment via les travaux menés sur la patrimonialisation (François et alii, 2006, Di Méo, 2007, Veschambre, 2007) et les évolutions récentes des recherches sur le patrimoine (Morice et alii, 2015 ; Tornatore, 2019 ; Drouin et alii, 2019).
A travers le cas des Monts d’Ardèche, nous développerons d’abord un état des lieux des réutilisations des héritages industriels, puis nous identifierons les récits qui accompagnent les patrimonialisations de ces héritages et enfin nous tenterons d’identifier ce que ces récits peuvent porter entre termes de transformations territoriales. Par-delà l’obsolescence d’une forme de production, nous explorerons ainsi comment le patrimoine industriel peut s’interpréter comme miroir de nos sociétés en mutation.
Bibliographie :
Di Meo, G. (2007). Processus de patrimonialisation et construction des territoires. Colloque Patrimoine et industrie en Poitou-Charentes : connaître pour valoriser, septembre 2007, Poitiers-Châtellerault, France. Geste édition, pp. 87–109.
Drouin, M., K. Morissert, L. et Rautenberg, M. (2019). Les confins du patrimoine. Presses de l’université du Québec, Québec, 300 p.
Edelblutte, S., & Legrand, J. (2012). Patrimoine et culture industriels en milieu rural : quelles spécificités ?. Revue Géographique de l’Est, 52, 22 p.
François, H., Hirczak, M., & Senil, N. (2006). Territoire et patrimoine : la co-construction d’une dynamique et de ses ressources. Revue d’Économie Régionale & Urbaine, 5 : 683-700.
Gasnier, M. (2018). Le patrimoine industriel au prisme de nouveaux défis. Presses universitaires de Franche-Comté, Besançon, 295 p.
KOOP, K. and SENIL, N. (2015), Habiter l’alternative. La construction de “Monde de vie” en Ardèche. 4ème Rencontres scientifiques internationales de la Cité des territoires, 25-26-27 mars, Grenoble, 20 p.
Latour, B. (1991). Nous n’avons jamais été modernes. La Découverte, Paris, 211 p.
Leniaud, J.-M. (1992). L’utopie française : essai sur le patrimoine. Paris : Mengès, 180 p.
Morice, J.R., Saupin, G., & Vivier, N. (2015). Mutations de la culture patrimoniale. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 270 p.
Tornatore, J.-L. (2019). Le patrimoine comme expérience. Maison des sciences de l'homme, Paris, 304 p.
Veschambre, V. (2007). Patrimoine: Un objet révélateur des évolutions de la géographie et de sa place dans les sciences sociales dans Annales de Géographie, vol. 4, N°656, pp. 361-381.
Vigné, F. (2020). Patrimonialisation des héritages industriels ruraux et reconversions inventives : nouvelles ruralités en Monts d’Ardèche ? dans Lucrările Seminarului Geografic Dimitrie Cantemir, Vol. 48, N° 1, 19 p.