En Normandie, deux anciennes usines textiles reconverties en établissements culturels cristallisent les dynamiques d'impact industriel sur leur environnement d'ancrage, donnant lieu à des formes industrialo-urbaines et rurales. Elles témoignent également des enjeux de reconversions passés et présents du patrimoine industriel du territoire.

Au nord-ouest de la boucle de la Seine traversant la ville de Rouen, la corderie Vallois, premier musée industriel de France restituant le lieu dans sa fonction de production, est un des derniers témoignages de la vallée du Cailly du XIXème siècle investie par l'industrie textile cotonnière. Le musée-usine retranscrit l'expression des formes de rues fluviales industrielles, engendrées par la succession d'unités de production hydrauliques, installées le long des cours d'eau.

Au sud-est de la boucle de la Seine, la Fabrique des Savoirs émane en 2010 d'une reconversion culturelle d'une partie de l'usine monumentale textile Blin & Blin, terrain initial d'action pionnier des architectes Reichen et Robert dans les années 1980. Son architecture, son musée, son centre d'archive et son centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine mettent en lumière l'histoire et le patrimoine de la ville industrielle d'Elbeuf. L'évolution des systèmes de production et la densité de l'activité drapière au XIXème siècle a transformé sa physionomie urbaine, du parcellaire à la création d'îlots industriels, aux habitats et équipements annexes. Le développement de la cité drapière questionne le type de forme industrialo-urbaine à laquelle l'activité de production lainière a donné lieu, entre ville industrielle et ville-usine.

Entre les aires géographiques des deux usines reconverties, la rive gauche de Rouen est identifiée comme une aire urbaine industrialisée importante dont la diversité des filières et le paysage associé des cheminées faisaient face au paysage des clochers de la rive droite de Rouen. Les destructions opérées au cours des dernières décennies n'en laissent pas moins aujourd'hui en héritage un paysage industriel urbain où s'imbriquent usines, habitats ouvriers et demeures bourgeoises sur les communes de la rive gauche.

En 2021, réunis dans un pôle industriel au sein de la réunion des musées métropolitain Rouen Normandie, la fabrique des savoirs et la corderie Vallois, musées industriels hybrides, ont toute légitimité à porter la réappropriation des héritages industriels sur leur territoire d'ancrage. A l'aune des nouvelles perspectives de recherche sur le patrimoine industriel et à l'heure des dynamiques de reconstructions résilientes et durables des villes sur elles-mêmes, il s'agit d'interroger le rôle et les missions d'un pôle culturel industriel dans l'étude, la conservation et la valorisation d'un patrimoine industriel riche et multiple méconnu, en particulier dans l'accompagnement des opérations de reconversion et le devenir des friches industrielles.

Les structures muséales rassemblant l'ensemble de la chaîne patrimoniale se prêtent à privilégier une approche holistique des héritages industriels, des traces matérielles des machines à l'immatérialité des gestes, de l'architecture aux paysages. En synthèse, la gageure du pôle des musées industriels normands consiste à conjuguer enjeux patrimoniaux et sociétaux, environnementaux et d'aménagement du territoire : un fil conducteur de la réflexion menée dans le cadre de l'élaboration du projet scientifique et culturel du pôle culturel.