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14.30  Patrimoines et conflits à l’aube du XXIe siècle : Enjeux, acteurs, formes de destructions et réactions. Le cas de la Syrie

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11:00, Samedi 4 Juin 2016 (30 minutes)

Le thème de cette communication fait directement écho à une actualité, celle des récentes destructions des temples de Baalshamin et de Bêl, ainsi que de l’arc de triomphe à Palmyre en Syrie. Pourtant, force est de constater que le patrimoine a de tout temps été pris à parti par ou dans les guerres, en raison même de sa nature, puisque le patrimoine, en tant qu’ensemble de biens hérités et transmis, matériels et immatériels, renvoie à l’identité et à la mémoire des groupes et des nations en même temps qu’il peut constituer une ressource économique valorisable.  

Interroger les relations entre patrimoine et guerre, et plus largement entre patrimoine et conflits, implique donc de revenir sur l’objet même dont il est question ici, mais aussi sur les manières dont les conflits mettent en jeu le patrimoine, qui peut être tantôt l’élément déclencheur, la cible et/ou l’enjeu d’une guerre. Il ne faut pas non plus oublier que les guerres sont elles-mêmes génératrices de patrimoine, puisque c’est dans des contextes de destructions ou de reconstructions que naissent bien souvent les initiatives pour protéger des biens culturels. Aussi, les destructions portées au patrimoine sont loin d’être exclusivement liées à des contextes conflictuels et de guerre, mais force est de constater qu’en temps de guerre, les enjeux et les modalités de la destruction du patrimoine, de même que les réactions de la société à cet égard, sont sensiblement différents.  

Ensuite, et plus concrètement à travers l’analyse du cas syrien, nous reviendrons sur les destructions récentes du patrimoine au Moyen-Orient, qui témoignent d’un renouvellement à la fois des relations entre patrimoine et conflits et de leur perception dans la société contemporaine. Le choix de ce terrain d’étude n’est pas anodin puisque la Syrie fut mon laboratoire de recherche durant ma thèse (2004-2008) et que depuis je n’ai cessé de m’intéresser aux valeurs que les sociétés du Moyen-Orient accordent au patrimoine, archéologique en particulier, dans un contexte où ce dernier est très fortement politisé. Le régime baathiste s’est ainsi servi du patrimoine, antique et pré-islamique notamment, afin d’édifier une identité nationale intégrant, de manière habile, sélective, et différenciée, les patrimoines des diverses communautés en présence. Dans ma thèse j’ai ainsi étudié les représentations des Syriens à l’égard des vestiges gréco-romains de Palmyre, Bosra, et Apamée, et me suis plus largement intéressée à ce qui fait patrimoine dans cette société, en évitant d’adopter une idée préconçue de cet objet. Je me suis également penchée sur les politiques patrimoniales et touristiques qui depuis les années 1990 laissaient présager des initiatives intéressantes en termes de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine, le tout dans une perspective de dialogue interculturel, tant entre les diverses communautés syriennes qu’entre la Syrie et le reste du monde. Les événements qui se déroulent en Syrie depuis 2010 ont très vite remis en cause ces conclusions optimistes et montré combien le patrimoine archéologique, urbain et immatériel, par les enjeux idéologiques qu’il représente, est pris à parti par les différents acteurs de ce conflit.  

À partir d’une analyse de différentes situations et de l’identification des types de destructions et de menaces pesant sur le patrimoine en temps de guerre, nous nous interrogerons sur les possibilités d’une protection et d’une sauvegarde des biens culturels, notamment par le droit national et international, mais aussi par la mobilisation citoyenne. Ainsi il conviendra de prêter attention à l’action des institutions internationales, mais aussi à celle des associations et des citoyens dans ce processus. Dans le même ordre d’idées, il s’agira de traiter d’une question directement en lien avec cette problématique, à savoir la circulation illicite des biens culturels que nourrit un marché de l’art ancien et contemporain toujours plus vigoureux et organisé depuis les pays riches, dits du Nord, au détriment des pays pauvres, dits du Sud, où les conflits font rage. Au terme de cet exposé, il s’agira de porter un regard critique sur l’extrême médiatisation des destructions perpétrées par les groupes islamistes, le Daech en particulier, à la lumière de l’engouement patrimonial des sociétés postmodernes.

Laurence Gillot

Participant.e

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