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14.10  L’entretien filmé et les technologies numériques comme outils de patrimonialisation et de partage de la mémoire ouvrière : le cas de la ville de Vierzon (France)

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Quand:
13:30, Samedi 4 Juin 2016 (30 minutes)
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Cette communication s’appuie sur un travail de recueil audiovisuel de la mémoire ouvrière et industrielle de la ville de Vierzon (France), mené depuis 2010 au sein de l’Université François-Rabelais de Tours, en collaboration avec Nadine Michau, anthropologue-cinéaste. 

Vierzon se présente aux dix-neuvième et vingtième siècles comme un centre industriel important de la région Centre, développant des activités dans des secteurs variés tels que la céramique, le verre, le machinisme agricole, etc. C’est dans cette ville que le premier lycée technique de France est fondé. La majorité des usines sont aujourd’hui fermées et la ville est particulièrement sinistrée. Pour rendre compte de ce passé industriel et répondre aux attentes d’une partie de sa population, la mairie de Vierzon projette d’ouvrir un musée à partir de sa collection d’objets labellisés “Musée de France” constituée notamment d’une collection unique de « bousillés » (pièces réalisées par les ouvriers-verriers sur leur temps de pause qui n’entraient pas dans un circuit commercial). Elle dispose alors de très peu de témoignages enregistrés.

C’est dans ce contexte qu’elle fait appel en 2010 au CETU ETIcS pour entreprendre en urgence une sauvegarde de la mémoire ouvrière visant à consigner « l’expérience humaine », l’inscrire au sens fort du terme, pour qu’elle ne soit pas vouée à l’oubli par la disparition des porteurs de savoirs. Florence Descamps évoque « une oralité chaude » pour qualifier cette parole directe, humaine, interactive, proche de l’orateur qui est d’autant plus précieuse qu’une grande partie du patrimoine matériel industriel vierzonnais a disparu.

L’idée est aussi de constituer, à partir de ce patrimoine immatériel précieux, une base documentaire exploitable dans un cadre muséal. Entre 2010 et 2013, une vingtaine d’entretiens filmés semi-directifs sont réalisés auprès d’anciens ouvriers qui permettent de recueillir des récits de scènes de la vie sociale, d’identifier les savoir-faire ouvriers, de comprendre la nature et l’organisation du travail. 

Au-delà de la diffusion de courts extraits prévue au sein du futur musée, comment pouvions-nous valoriser et partager plus largement cette mémoire ? 

Dans un contexte marqué par la révolution numérique qui a changé en profondeur notre relation à la culture et à l’accès à la connaissance, nous nous orientons en 2014 vers un projet de publication en ligne par l’intermédiaire d’un portail Internet d’intérêt scientifique. Notre projet bénéficie alors du soutien financier de la région Centre dans le cadre d’une recherche d’intérêt régional auquel s’ajoutent le soutien de la Ville de Vierzon et de la DRAC centre (Direction régionale de affaires culturelles) ainsi que le partenariat des Archives départementales du cher et du pôle patrimoine de Ciclic (agence régionale du Centre pour le livre, l’image et la culture numérique). Ce portail qui est en cours de construction repose sur le transfert et l’adaptation d’un environnement numérique développé par la Fondation Maison des Sciences de l’Homme / laboratoire ESCoM (Archives Audiovisuelles de la Recherche). Il permet d’offrir de nouvelles stratégies de balisage de la mémoire, de proposer des clés de lecture, d’organiser des parcours dans cette mémoire afin de garantir l’appropriation des savoirs audiovisuels à une époque où les moteurs de recherche obéissent à une hiérarchisation des savoirs souvent aléatoire, provoquant une « marée déferlante de documents, un ensemble de documents constitué ‘sans tri ni mesure’ ». (Agnès Callu, Hervé Lemoine)

Au total, ce seront 50 entretiens, en plus des 20 entretiens déjà réalisés, qui seront présentés dans leur intégralité et environnés scientifiquement. Ils devraient former un corpus de qualité suffisamment important et polyphonique pour rendre compte de la mémoire ouvrière et plus largement de la mémoire industrielle vierzonnaise, à partir de mémoires fragmentées. 

Ce travail de collecte et de mise en partage est-il suffisant pour construire une mémoire collective qui peine à prendre corps, minée par un puissant sentiment d’échec et qui se vit aujourd’hui plutôt sur le mode de la concurrence entre différentes mémoires industrielles ?

Notre travail de recherche et plus particulièrement la constitution d’une base de données peuvent-ils et doivent-ils remplir le rôle d’orchestration des différentes mémoires attendu par la Ville de Vierzon (le désir de mémoire collective apparaissant peut-être plus comme une nécessité politique qu’une nécessité sociale) ? Est-ce qu’une base de données peut faire œuvre de consensus, faire œuvre de justice en accordant une place à des secteurs industriels oubliés tel celui de la confection ?

Quels effets les témoignages filmés peuvent-ils avoir sur la mémoire ouvrière elle-même ? On peut en effet s’interroger sur les effets d’une mise en récit d’éléments de mémoire sur un support filmique puis au sein d’une base de données sur les anciens ouvriers et sur les salariés actuels. 

Autant d’interrogations qui jalonnent notre recherche.

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CITERES Université François Rabelais de Tours
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