09.30 Le Monastère des Augustines : quand un patrimoine historique devient promoteur de valeurs contemporaines
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Pionnières du réseau de santé au Canada, les Augustines ont fondé douze hôpitaux. Aujourd’hui, en raison du vieillissement des sœurs, de l’intégration de leurs institutions au réseau public de santé et considérant la valeur de leur monastère fondateur (1639) du Vieux-Québec, elles ont relevé un pari visionnaire : restaurer ce bâtiment pour le protéger et le mettre en valeur, en plus de léguer leur patrimoine à la population, tout souhaitant qu’il contribue aux enjeux actuels de la santé. Leur monastère propose un regard renouvelé sur la santé qui fait appel à toutes les dimensions de la personne en s’inspirant de la pratique des religieuses qui soignaient le corps et l’âme. Ce pari inédit, résolument non confessionnel et pourtant inspiré de la longue tradition des Hôtel-Dieu, fait du monastère une expérience unique.
Comme dans bien des lieux patrimoniaux à travers le monde, le monastère des Augustines tous les jours fait face aux impératifs de rentabilité et de mise en usage d’un patrimoine historique, enjeux auxquels on ajoute un niveau de complexité quand on en fait un lieu habité où les valeurs traditionnelles et contemporaines en matière de spiritualité et de santé se rencontrent. Le quotidien y est marqué par la cohabitation d’usagers aux besoins différents, tels que le visiteur de passage, le chercheur, le touriste en hébergement, la personne en ressourcement, celle qui accompagne un malade à l’hôpital, le proche aidant en répit et les religieuses qui continuent de vivre sur le site. Comment, tout en offrant une telle diversité d’expériences, en faire un lieu cohérent, ancré dans son histoire, sans travestir ses valeurs ?
Comment assurer la rigueur d’un contenu historique et celle des standards muséaux et archivistiques quand il faut assurer des opérations commerciales et la promotion d’un lieu où on pratique le yoga, la méditation, la relaxation, la réflexologie, etc. ? Comment composer avec des univers aussi différents où convergent les attentes de partenaires institutionnels et financiers issus du tourisme, du patrimoine, de la solidarité sociale, de la tradition religieuse, de l’hôtellerie, du réseau professionnel de la santé, des organismes communautaires ?
Le site patrimonial des Augustines n’est pas uniquement une illustration du passé, il est un lieu d’expérimentation des valeurs et des pratiques des religieuses hospitalières. Un lieu ancien où les préoccupations très contemporaines de la santé sont abordées de façon novatrice. Un projet qui relève le pari de faire de ce lieu un patrimoine qui « prend soin ».
Qu’il repose sur un modèle culturel, hôtelier ou d’affaires, que des gens si différents y soient accueillis, ce projet puise à une seule source, les religieuses, à travers leur histoire, leurs archives, leurs collections, leurs témoignages, leur mission et leurs valeurs, enfin tout ce qui façonne leur héritage. Tous les responsables ont la même motivation, celle de répondre à la volonté des sœurs d’en faire un lieu pérenne et utile à la population, à l’image de que ce qu’elles ont érigé elles-mêmes.
Maintenant qu’il est en service et alors que des compromis devront inévitablement être faits pour en assurer la rentabilité, comment le lieu restera-t-il fidèle à son ancrage et à sa mission ?
C’est l’ensemble de ces problèmes que doit résoudre un des projets patrimoniaux les plus ambitieux du Québec.
Cette intervention se situe au cœur de la réalisation d’un projet patrimonial dans le double registre de la réflexion et de l’action, sur la question du patrimoine ressource. Elle évoquera les enjeux, les dilemmes et les fécondités d’une approche où le patrimoine devient héritage collectif et facteur de mieux-être.