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12.00  Les imaginaires artistiques au cœur de la reconversion de l’île de Nantes

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Par maints aspects, la ville de Nantes nous offre un cas d’étude emblématique du recours à la culture par les pouvoirs publics comme catalyseur du renouvellement urbain. Engagé à la fin des années 1980 en lien avec l’élection de Jean-Marc Ayrault au poste de maire de Nantes (1989), ce processus a donné à cette ancienne ville industrielle, portuaire et commerciale l’image d’une capitale culturelle dynamique. Le site principal des anciens chantiers navals, situé sur la partie ouest de l’île de Nantes ouverte vers l’estuaire de la Loire, a constitué le moteur de ce changement. Non loin des horizons prophétisés par Richard Florida, les « classes créatives » ont remplacé les ouvriers et les « métallos » sur le nouveau Quartier de la création. Celui-ci condense au cœur du vaste parc des chantiers, notamment le palais de justice dessiné par Jean Nouvel, des lieux de formation (l’école d’architecture de Lacaton et Vassal, une école de design et bientôt l’École des beaux-arts et un département de l’université dédié au numérique), des logements, des entreprises principalement tournées vers le tertiaire et le numérique, ainsi que les machines de l’île – ensemble d’attractions puisées dans un imaginaire steampunk (Jules Verne était Nantais) parmi lesquelles se démarque le fameux éléphant. Le projet urbain de la partie ouest de l’île, dessiné par l’architecte-paysagiste Alexandre Chemetov, garde dans sa forme et ses matériaux la mémoire du passé industriel de ce quartier de la ville de Nantes.

Malgré la volonté de conserver les traces du patrimoine industriel, la ville de Nantes jouit dans les représentations collectives des Français, et particulièrement des jeunes générations de Nantais, de l’image d’une ville culturelle. Au-delà des établissements culturels – notamment le Lieu Unique dans les anciennes usines LU, la Fabrique et la HAB galerie sur l’île de Nantes – l’organisation d’expositions et la présence d’œuvres d’art dans l’espace public ont largement contribué à la diffusion de cet imaginaire artistique. L’investissement des pouvoirs publics a été particulièrement important dans ce domaine, notamment à l’occasion de la biennale Estuaire remplacée depuis par le Voyage à Nantes. Derrière cette appellation se trouve à la fois l’ensemble des événements culturels organisés l’été sur le territoire de Nantes Métropole et surtout une société publique locale (SPL) qui gère à la fois la culture et le tourisme de l’agglomération. 

Nous analyserons la dimension conflictuelle de cet imaginaire artistique au cœur de l’invention d’une identité culturelle de la métropole nantaise. En effet, très tôt des artistes se sont installés dans les bâtiments laissés vides par la désindustrialisation de l’île. Encore aujourd’hui, nombre d’associations et de collectifs sont présents sur l’île, bien que souvent menacés d’expulsion. Ceux-ci contestent ouvertement la politique adoptée par le Voyage à Nantes et son directeur Jean Blaise : ils considèrent que son action aboutit à la promotion d’une culture spectaculaire évaluée uniquement à l’aune des retombées économiques du versant touristique. Par la présence d’ateliers ouverts au public et les expositions organisées, ils cherchent à promouvoir un autre imaginaire artistique, éloigné de la spectacularisation du Voyage à Nantes et plus proche du patrimoine ouvrier et industriel de l’île. Nouant un rapport critique au processus de gentrification auquel ils ont pourtant conscience d’avoir participé, ils prônent principalement par les formes de l’installation in situ et de la performance un art engagé que l’on pourrait qualifier de participatif. Pourtant nombre de ces mêmes artistes bénéficient indirectement de financements publics (bien que souvent de la région et non de la ville) et gagnent partiellement leur vie en travaillant en tant que régisseurs sur le Voyage à Nantes. En se penchant sur les expositions organisées par ces artistes, il s’agira d’évaluer la dimension conflictuelle de l’invention identitaire à l’œuvre au sein des différents imaginaires artistiques confrontés à un patrimoine industriel en voie de disparition. 

Thomas Renard

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