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Reconversion des friches industrielles en projets culturels et requalification des territoires

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Quoi:
Paper
Durée:
30 minutes
La reconversion de bâtiments industriels en espaces artistiques et culturels est actuellement, en France, un enjeu majeur d’aménagement territorial. La reconstruction (ou réhabilitation) de ces espaces est très éloignée des premières friches artistiques des années 70 issues d’engagements dont l’art n’était alors qu’une des formes de résistance collective. Progressivement, les collectifs d’artistes se sont institutionnalisés, gagnant en reconnaissance professionnelle quand les diverses administrations territoriales ont saisi l’opportunité de requalifier des territoires par le biais de « hauts lieux » donnant une visibilité à l’action publique. Si l’exigence artistique est aujourd’hui plus forte qu’elle n’a pu l’être lors des premières expérimentations de friches, le désir est souvent moins manifeste de lier et représenter les identités des populations du territoire considéré. L’enracinement local des projets n’est plus systématiquement un élément clé, la culture n’est donc pas intégrée à la vie de la cité, du quartier et l’on constate que c’est davantage le lieu, dans une politique foncière et de régénération urbaine, qui fait le projet. Ces différents registres d’action ont engendré, parfois, de vives tensions entre les collectifs et responsables de ces lieux, les collectivités territoriales et les habitants de ces quartiers « recomposés » par la requalification des sites. En effet, des conflits d’usages, d’interprétation sur ce qui convient de faire de ce patrimoine, de représentations sur ce qui fait la valeur du lieu, apparaissent dès lors que le territoire est requalifié « par le haut » et qu’il n’inclut plus la mémoire industrielle, collective de ceux qui l’ont habité, qui y ont travaillé. Cette reconversion peut alors être déqualifiée par les acteurs du territoire. Il s’agit pour nous de repérer ces points de tension entre les fonctions prévues de ces espaces industriels reconvertis et les usages réels qui peuvent être constatés. Pour que l’espace devienne territoire il doit être « vécu et approprié » (Di Méo 2004), c’est l’enjeu des politiques publiques que d’inscrire des valeurs attachées à l’espace dans les aménagements urbains. Le succès d’une reconversion d’un site du patrimoine industriel en projet artistique dépend donc de cette capacité à produire un accord, à s’associer pour une production de bien public (Thévenot, 2006). Nous nous sommes attachées à analyser les tensions en termes de conflits de valeurs, sur la définition et la redéfinition des usages et des usagers de ces sites, sur leurs représentations, saisies à partir du discours des acteurs. Notre étude porte sur quatre exemples emblématiques de reconversion de sites patrimoniaux industriels en Normandie. Certains de ces projets relèvent de reconversion patrimoniale réussie, la valeur attribuée étant collectivement partagée et également distribuée tandis que d’autres font l’objet de critiques du monde industrialo-portuaire mais aussi des habitants et symbolisent l’échec de la gouvernance municipale. Il s’agit de l’atelier « 231 », ancien atelier ferroviaire devenu Centre National des Arts de la Rue dans l’agglomération rouennaise, du « 106 » ancien hangar portuaire devenu scène de musiques actuelles à Rouen, du « Tétris » ancien fort militaire havrais devenu centre de création et de diffusion, et enfin du musée de Fécamp, ancienne saurisserie de harengs et de morue. Notre article a pour objectif de saisir la dynamique de conception et de valorisation de reconversions patrimoniales tout en soulignant l’aspect politique de requalification du territoire et les enjeux identitaires et économiques qui le traversent.

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