11.00 Une construction traditionnelle de la patrimonialisation ? Le particulier et l’universel dans la conception et la gestion de la maladie chez les Kulung du Népal
Mon statut pour la session
Le thème de la patrimonialisation des pratiques traditionnelles pensée en termes d’articulation entre le local et le global évoque spontanément des phénomènes récents comme la reconnaissance par les instances internationales de patrimoines immatériaux, qui va de pair avec une marchandisation croissante de ces techniques et savoirs. On observe ainsi de plus en plus fréquemment des processus de patrimonialisation de savoirs dits traditionnels par des États, motivés autant par un positionnement au sein de ce nouveau marché que par un repositionnement identitaire autour de ce qui fait la spécificité d’un groupe ou d’une nation. Si ces processus nationaux et internationaux sont assurément récents, on peut néanmoins penser que les formes de patrimonialisation, notamment celles liées aux pratiques médicinales, ne se réduisent pas entièrement au contexte actuel.
L’ethnographie des Kulung Rai, une petite communauté de l’Himalaya népalais, révèle que ce groupe possède ses propres idées sur ce qui relève du local et du global, ou plutôt sur ce qui est perçu comme particulier au groupe et ce qui est universel dans les formes de gestion de la maladie. Ces conceptions témoignent d’une vision propre de ce qui fait partie ou non du patrimoine, au sens de biens — ici des techniques de guérison — hérités et transmis au sein d’un groupe. Cette distinction s’opère notamment en fonction de la nature des entités perçues comme sources de maladies. Les techniques considérées comme spécifiques au groupe sont celles utilisées pour guérir les maladies relevant du même, c’est-à-dire celles transmises par les ascendants ou par les forces du lieu occupé par le groupe. Les techniques pensées comme universelles — pouvant donc circuler entre les groupes — sont celles utilisées pour guérir les maladies relevant de l’extranéité, c’est-à-dire issues des autres groupes et des autres espaces (la forêt, le lointain). Cette étude de cas pourrait, en retour, permettre d’élargir et de repenser les termes du débat sur les phénomènes de patrimonialisation actuels.