Atelier 7 - B
Discutant : Jean de Munck (ULB, Belgique)
1. Charles-Olivier Simard - Université de Montréal
Titre : Nucléarisation résidentielle et solidarité familiale chez les Inuits du Nunavik
Résumé : Au cours des dernières années, de nombreux chercheurs ont questionné la pertinence des catégories sociodémographiques usuelles dans l’étude des populations autochtones. Les notions de ménage, de famille nucléaire ou encore de famille de recensement ont notamment subi le feu d’une critique répétée. Frances Morphy, une anthropologue spécialiste des données de recensements chez les aborigènes australiens, suggère même l’abandon complet du concept de ménage, qui reposerait sur l’image illusoire d’une unité familiale affranchie ou indépendante de son réseau de parenté extrarésidentielle (Morphy 2016). Contre ces définitions jugées réductrices et ethnocentriques, les notions de réseau familial et de groupe domestique seraient plus aptes à capter la fluidité des relations familiales autochtones.
Malgré la pertinence et l’importance de ces critiques, la pénurie de logements qui affecte si sévèrement les communautés inuites m’incite à formuler des nuances importantes. Mon propos est que l’ensemble des individus partageant un même domicile (le groupe résidentiel) constitue, dans un tel contexte, une dimension fondamentale de la vie sociale que l’analyse sociodémographique ne saurait négliger. Le problème conceptuel, à mon sens, survient plutôt quand il est question de décrire et d’analyser les groupes résidentiels en termes d’unités familiales et d’entités économiques autonomes. Les groupes résidentiels sont alors perçus comme la manifestation empirique d’une réalité plus fondamentale, la famille, et la nucléarisation de ces derniers est automatiquement interprétée comme un indice de délitement de la solidarité familiale.
Dans cette conférence, je rappellerai l’importance de la distinction conceptuelle entre les notions de famille et de groupe résidentiel. Je soutiendrai que, dans le contexte du Nunavik, la nucléarisation des groupes résidentiels n’engage pas forcément une rupture des rapports de solidarité familiale, de même que la présence de groupes résidentiels multigénérationnels n’implique pas nécessairement l’existence d’une solidarité familiale sous-jacente. Je démontrerai la pertinence de cette distinction et j’expliquerai en quoi ma recherche de terrain, que je réaliserai au Nunavik entre les mois d’octobre 2018 et mars 2019, permettra d’en exploiter toutes les implications.
2. Anne-Marie Turcotte - Université Concordia
Titre : Défis éthiques, méthodologiques et pratiques de la recherche collaborative avec les jeunes en contexte inuit.
Résumé : Mon projet doctoral porte un regard sur certains actes de vandalisme, plus spécifiquement le bris de vitre, commis par les jeunes Nunavimmiut. Dans les 14 villages nordiques du Nunavik, le bris de vitre est un problème récurrent. Pour les gestionnaires du parc immobilier, ce type de vandalisme est considéré comme une nuisance, mais est aussi perçu comme un jeu d’enfant sans signification particulière. Or, dans beaucoup de communautés, les vitres des bâtiments en cours de construction et des édifices communautaires sont systématiquement brisées par les jeunes qui y lancent des cailloux.
Dans un contexte où la violence et les problèmes sociaux sont endémiques et les occasions d’emploi et d’étude pour les jeunes sont limitées, est-il possible d’examiner les liens dynamiques complexes entre ces jeunes et l’environnement bâti afin de mieux saisir la façon dont ils négocient leur rapport à soi, à l’autre et au monde?
Il existe une longue tradition de recherche à propos des enfants dans les sciences sociales. C’est pourtant depuis peu que la recherche s’effectue non plus sur les enfants, mais avec eux. Depuis plus d’une vingtaine d’années, le nouveau paradigme dominant dans l’étude de l’enfance a permis de mettre en valeur l’enfant non plus comme sujet d’étude, mais comme acteur social et agent de sa propre socialisation. Préconisant une approche phénoménologique, ma recherche s’effectuera en partenariat avec l’Association des maisons de jeunes du Nunavik (NYHA), une organisation avec laquelle je collabore depuis les 15 dernières années.