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La valorisation touristique du patrimoine industriel des petites villes : entre tradition(s) et innovation(s) Exemple de Thiers (France) et de Béjar (Espagne)

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3:30 PM, martes 30 ago 2022 (20 minutos)
La notion de patrimoine industriel, tardivement imposée en France, est au cœur de multiples disciplines (histoire, géographie, ethnologie, sociologie, etc – Hébert & Goyette, 2018). Pour notre communication, l’écriture se fera à quatre mains, celles d’un historien et celles d’une géographe. L’histoire permet de comprendre la genèse des activités industrielles, l’évolution de leur impact sur les sociétés humaines et leurs pratiques, ainsi qu’à celle de l’aménagement des territoires, tant au niveau des espaces de production que des espaces de vie. La géographie quant à elle s’intéresse à l’assise spatiale des héritages, matériels comme immatériels, ainsi qu’à leur patrimonialisation. Par patrimonialisation, nous entendons « un processus de reconnaissance et de mise en valeur d’édifices, d’espaces hérités, d’objets et de pratiques » (Fagnoni, 2013). C’est un phénomène complexe, en quatre étapes, qui identifie des ressources territoriales : sélection (avec justification), conservation (avec modification d’état), exposition (avec modification d’usage et reconnaissance sociale) et valorisation marchande le cas échéant (François, Hirczak, Senil, 2006).
La mise en valeur des patrimoines industriels prend plusieurs facettes : l’identité de la civilisation industrielle peut être mise en exergue par la création de musées ; des usines tombées en désuétude peuvent être réhabilitées et totalement changer d’usage. Dans ces deux cas (comme dans d’autres), il est intéressant de s’intéresser à l’implication du patrimoine dans l’aménagement du territoire et le développement local. Dans quelle mesure sa valorisation peut-elle contribuer au développement ? Le type de valorisation choisi est-il pertinent ? Pourquoi telle valorisation plutôt qu’une autre ?
Nous avons choisi de répondre à notre problématique en nous s’appuyant sur les cas de Thiers en France et de Béjar en Espagne. Ces deux petites villes, de +/- 12 000 hab., situées dans la Diagonale du Vide européenne (un espace en déprise démographique et à l’activité économique fragile), sont parfaites pour étudier les représentations de l’industrie et de sa culture ainsi que la gestion de l’héritage industriel. L’une et l’autre vont en effet connaître des désillusions.
Thiers et Bejar ont joui pendant longtemps de réussites industrielles dans leur domaine respectif : la coutellerie et les activités connexes (emballage, commercialisation…) pour la première, le textile pour la seconde (travail de la laine venant d’Estrémadure). À Thiers, si la coutellerie se développe dès le Moyen Âge, elle connait son âge d’or au XIXe siècle, marquant la ville d’une forte empreinte architecturale (ateliers, usines, habitat) comme sociale (traduction politique et syndicale…) (Prival, Morel, Sablonnière et Therre 2015). La production thiernoise s’exporte dans toute l’Europe et même outre-Atlantique. Béjar, elle, a connu son apogée entre 1875 et 1975. Avec une multitude de petites unités, elle est alors vantée pour la qualité de sa production ; elle est la deuxième ville de fabrique d’Espagne dans les années 1960. 
La fin du XXe sonne le glas pour l’industrie traditionnelle thiernoise et bejaranaise. À partir de 1975, elles sont frappées par un mouvement de désindustrialisation (dû aux délocalisations, à la concurrence de la Chine, aux difficultés d’accès) qui a laissé dans le paysage de nombreuses friches industrielles. À Thiers, par exemple, les évolutions technologiques ont une traduction spatiale : l’électricité rend accessoire l’utilisation de la force motrice de l’eau et les gorges sont abandonnées au profit de sites plus faciles d’accès, tendance confirmée aujourd’hui avec l’installation des zones de productions en bordure de l’autoroute, là encore pour des questions d’accessibilité. Que vont faire les municipalités des friches industrielles ? Ont-elle eu une attitude réactive, préactive ou proactive (Godet : 2004). Comment va réagir la population tant l’industrie a marqué l’espace et les Hommes ? A-t-elle souhaité totalement tourner la page ou au contraire œuvrer pour maintenir vivante l’histoire du lieu ? Quel bilan est à dresser quelques années (pour Béjar) ou décennies après (pour Thiers) ?
Pour répondre à ces questions, et après une classique revue de littérature, nous irons sur le terrain étudier l’empreinte spatiale de l’industrie et nous mènerons des entretiens semi-directifs, que ce soient avec les acteurs qui ont mené à terme la réhabilitation des friches industrielles (malheureusement pour Thiers, deux acteurs majeurs des années 1980 sont décédés il y a quelques mois) ou les acteurs d’aujourd’hui. D’ores et déjà, nous pouvons indiquer que la valorisation du patrimoine industriel dans ces deux villes s’est faite à dessein touristique. Si l’une a porté son choix sur un musée classique rappelant le passé industriel de la cité, l’autre, en plus des structures traditionnelles et d’une offre tournant encore autour du patrimoine usinier (mise en lumière des vestiges, créations de conservatoires des techniques…), a décidé d’ouvrir ses anciennes usines pour en faire un centre d’art contemporain d’intérêt national. Outre le choix touristique, la différence entre la cité française et la cité espagnole se voit également au niveau de la réaction de la population. Par dépit la population de Bejar a fait brûler les usines en plein cœur de la crise et a voté pour le parti PP (surprise électorale pour une commune connue sous le surnom de « perle rouge »). Depuis 2019, le PSOE est de nouveau aux manettes de la ville ; la population a-t-elle été mécontente des aménagements touristiques ? À Thiers, les habitants ont semble-t-il un peu mieux pris à l’époque, avec un certain fatalisme, la disparition d’une partie de leur tissu industriel. Par contre à l’heure actuelle, certains s’élèvent contre l’apparition d’un « coutellerieland » dans la partie médiévale de la ville, avec des commerces plus à destination des touristes que des habitants (cf. photo 2).
Outre l’intérêt que porte cette communication au patrimoine industriel, elle met également en lumière l’émergence et le renouvellement du tourisme dans les petites villes industrielles. Or les petites villes étaient jusqu’à récemment, « un échelon peu travaillé mais ô combien fondamental dans la hiérarchie urbaine » (Vanier et Cailly, 2010 : 10). Notre recherche a donc comme ambition de contribuer à l’étude urbaine des petites villes, en faisant un focus sur cette thématique patrimoniale.

 

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