Neustadt est un terme allemand qui signifie « ville nouvelle ». À Strasbourg, cela fait écho à l’extension urbaine mise en œuvre pendant l’annexion allemande de l’Alsace (1871-1918) à la suite de l’adoption du plan d’urbanisme de 1880. Cet ensemble urbain se réfère à la fois à une zone géographique et à une période historique de la cité. 

Les prémices du regain d’intérêt pour cette architecture ont été principalement initiées par une association militante, les Amis du Vieux Strasbourg. Dès 1989, elle proposa à la municipalité de rajouter un secteur sauvegardé, autour des monuments officiels (place de la République), proche du centre ville historique. En 2004, ce collectif élabora un premier inventaire détaillé de la Neustadt qui allait au-delà de cette aire initiale et intégrait quelques zones d’habitations résidentielles supplémentaires. À l’époque, cette initiative fut considérée comme une démarche alternative car elle considérait cet espace urbain incarnant l’annexion allemande comme un secteur valorisable d’un point de vue patrimonial. 

Depuis quelques années, les collectivités locales se sont emparées de la patrimonialisation institutionnelle de ce secteur urbain. Plusieurs actions menées par la Ville et la Région Alsace contribuent à la fabrique de ce patrimoine. Depuis l’automne 2010 et sur une durée de six ans, celui-ci est étudié par le Service de l’Inventaire qui a pour mission de recenser le bâti. La Ville a présenté une demande de reconnaissance auprès de l’UNESCO en 2015. Le but en est d’élargir le périmètre UNESCO obtenu en 1988 qui inclut le centre historique et médiéval dit de la « grande île ». En parallèle, le projet de révision-extension du Plan de sauvegarde et de mise en valeur de Strasbourg est mis en œuvre pour intégrer en partie cette architecture wilhelmienne. 

Dans ce contexte d’institutionnalisation, cet exposé vise à mettre en avant deux phénomènes où des visions alternatives coexistent. 

 La hiérarchisation des quartiers dans un même secteur 

La question des limites de la Neustadt est au cœur de notre recherche ; c’est-à-dire que pour chacun des projets du dispositif patrimonial en cours, les périmètres diffèrent. L’étude de la Région Alsace s’appuie sur le plan d’urbanisme, peu importe la date d’érection et le type de construction. Le quartier dit allemand a été ainsi divisé en onze secteurs comprenant notamment des quartiers populaires (gare), un autre proche du centre-ville touristique (axe impérial initial) et des quartiers résidentiels bourgeois. La municipalité s’appuie, quant à elle, sur deux périmètres : un pour la candidature UNESCO, en se cantonnant globalement à l’axe impérial déjà touristique, et un pour la proposition de révision du secteur sauvegardé. Ces frontières institutionnelles qui découlent de choix patrimoniaux aux enjeux différents sont particulièrement significatives des effets d’inclusion/exclusion de zones urbaines. 

 L’investissement citoyen par le biais des associations de quartier 

Des collectifs tentent de se réapproprier la valorisation de leur quartier. Bien que diamétralement opposées d’un point de vue géographique et en terme de population, l’association du conseil des quinze (ADIQ), quartier aisé de la Neustadt, et celle de la gare (AQHT) se sont greffées à des manifestations officielles organisées par les collectivités territoriales pour proposer des actions alternatives et donner la parole aux habitants. Ces actions ont permis de faire intervenir des citoyens dont les récits témoignent du phénomène de popularisation du patrimoine. 

Cette communication visera à identifier les points de tension et d’ajustement entre les habitants, les collectifs associatifs et les collectivités territoriales.