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14.30  Faire les morts. Paradoxes d’une mise en patrimoine dans les hautes terres mazatèques (Mexique)

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Ma contribution portera sur les manifestations culturelles qui ont lieu lors de la fête des morts dans la société des Indiens mazatèques. Il s’agira d’aborder les ressorts paradoxaux liés à la mise en patrimoine de cet événement en considérant simultanément les opérations de mise en valeur dont elle est l’objet et le prolongement souterrain d’un rapport intime aux défunts. Dès les années 1980, bien avant sa reconnaissance par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel, les expositions d’autels d’offrandes et les festivals du théâtre chanté des « gens du nombril » (Cha xo’o : figurants du retour des défunts) constituaient déjà un sujet de planification. Depuis, différents acteurs locaux et institutions (Église, municipalité, délégation de l’institut indigéniste, écoles) ont multiplié les initiatives. 

Le glissement d’une célébration rituelle, guidée par des processus inconscients de la vie sociale, vers une célébration objet de mises en scène et source d’exégèses par leurs protagonistes n’est cependant par aussi radical, dans une société contrastée, où coexistent différents régimes d’historicité et différents régimes de vérité. La variabilité discursive, déjà très présente dans ce champ public, se trouve décuplée si l’on prend en compte les autres pratiques collectives dans lesquelles sont impliqués les défunts. Ces pratiques, si elles ont lieu lors de la fête (offrandes aux défunts sur les autels des foyers domestiques et dans les cimetières), sont aussi déployées le reste de l’année autour des deuils (rituels funéraires) et des tensions sociales (rituels de guérison et accusations de sorcellerie) où les défunts sont abondement instrumentalisés. Ces objets culturels que sont les défunts apparaissent ainsi tour à tour comme manifestation artistique, bien commun (national et « ethnique »), élément patrimonial, mais aussi comme élément de lien (de parenté) ou puissance magique. 

J’analyserai les changements de statuts de ces objets culturels en circonscrivant mes observations à l’ethnographie de la fête. Diverses situations seront ainsi approchées : dans l’arène publique, celles des festivals de Gens du nombril organisés par la municipalité et celles des examens d’autels offrandes dans les écoles ; hors du champ des mises en scènes patrimoniales, celles des offrandes faites aux défunts et des échanges codifiés qui ont lieu entre parents à cette occasion (offres de nourriture, de bougies et de fleurs). Ces observations conduiront à interroger la coexistence des différents régimes de vérités à l’œuvre durant les festivités, mais aussi et au-delà, la relation du nouveau régime de durabilité patrimonial avec ceux, plus anciens, qui gravitent autour des défunts.

Magali Deanget

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