Géohistoire critique de l'accaparement du Nitassinan: un autre récit de la "Côte-Nord"
Mon statut pour la session
Cette proposition de communication est tirée de mes recherches doctorales, qui sont réalisées dans le cadre d’un partenariat avec le Conseil des Innus de Pessamit. Le projet vise entre autres à dresser un portrait géohistorique de l’évolution du Nitassinan, soit le territoire ancestral des Pessamiulnuat (Innus de Pessamit) situé sur ce qu’on appelle aujourd’hui la Côte-Nord. La démarche implique de recenser et de cartographier les principaux développements (hydroélectriques, forestiers, et ceux liés à la villégiature) qui ont pris place sur le Nitassinan depuis le début du 20e siècle environ. Ces activités industrielles impactent directement la territorialité innue – tant ses éléments géographiques les plus structurants, notamment les rivières, que le mode de vie et les pratiques culturelles qui y sont liés.
Ces développements représentent un « modèle historico-géographique » (Moore, 2015, ma traduction) type pour réfléchir à la manière dont le capitalisme transforme les territoires et le rapport à ces derniers. Ancrée dans une pensée géographique critique et radicale, la présentation entend montrer que l’espace régional nord-côtier est défini par des dynamiques où s’enchevêtrent appropriation du territoire innu, exploitation des ressources et économie extractiviste.
Cette géohistoire des développements sur le Nitassinan et de son accaparement entend aller au-delà de la dichotomie « Nature/Société » (Moore, 2015) en partant du postulat que le capitalisme est plus qu’un système économique ou social, mais plutôt une « façon d’organiser la nature » (ibid). Je montrerai que cette organisation engendre aussi des rapports sociaux et spatiaux qui relèvent du colonialisme d’accaparement (settler colonialism). La dépossession des territoires autochtones et la destruction des liens socionaturels qui y sont liés visent à et permettent une accumulation du capital (Harvey, 2004) au profit des nouveaux occupants, qui bénéficient de l’accès privilégié au territoire et aux ressources.
La présentation soulignera aussi que malgré ce resettlement (Harris, 1997) du Nitassinan, les Innus de Pessamit maintiennent et transmettent un rapport à leur territoire qui s’inscrit dans des perspectives résurgentes s’opposant à une conception de la terre, des ressources et des corps comme des objets à exploiter (Simpson, 2017).