Le patrimoine industriel colonial : regards croisés entre Afrique et Asie
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Cette proposition de session focalise sur le patrimoine industriel colonial. A partir de trois cas, au Sénégal, au Tchad et à Taïwan, il s’agit de s’interroger sur les controverses et la possibilité d’utilisation du passé colonial. Le premier cas est le Sénégal, un pays d’Afrique de l’Ouest, dont l’industrialisation a été menée par la France afin de profiter des riches matières premières locales ; le deuxième est le Tchad, en Afrique centrale, et interroge le travail indigène qui a prédéfini l’organisation du travail dans les colonies françaises avec le portage civil qui fut la première forme d’emploi en Afrique subsaharienne ; le dernier cas est Formose, la première colonie du Japon entre 1895 et 1945, qui focalise sur l’héritage industriel autour du thé. Il témoigne de la grande transformation des activités dans les domaines de l’agriculture, de l’industrie et du commerce. Ces trois exemples en Afrique et en Asie sont face à un défi en commun : mettre en valeur le passé industriel colonial au présent.
Au XXIe siècle où la colonisation relève d’un passé lointain, pour quelles raisons recueillir ce patrimoine où passé industriel et passé colonial se croisent ? Les activités économiques sous la colonisation ne constituent pas une histoire neutre ; il existe des conflits mais aussi des formes de coopération entre le colonisateur et la société locale. Néanmoins, la situation devient plus complexe dans l’époque post-coloniale. L’utilisation des passés coloniaux a des sens variés selon les pays. Dans les anciens pays coloniaux comme la France, la colonisation a pu être vue comme une histoire à cacher ou à réinterpréter. La transformation du Musée colonial à Paris en Musée d’histoire de l’immigration est à ce titre exemplaire. Le changement de regard sur ces témoins de l’époque coloniale témoigne de la volonté d’intégration de ces questions dans la France contemporaine. D’un autre côté, dans les pays colonisés, le point de vue sur la colonisation peut recouvrir deux extrêmes. Par exemple, à Taïwan, la colonisation est neutre ou plutôt positive, vision très éloignée de celle de son voisin asiatique, la Corée du Sud, qui a aussi subi une histoire coloniale japonaise. De fait, la construction de passé colonial ne peut être pas unifiée car elle se transforme sur le temps long et se distingue selon les pays.
En conséquence, les différentes façons de traiter de la colonisation guident l’utilisation de l’héritage industriel colonial. La transformation en sites historiques de lieu comme l’usine, le chemin de fer, les ports, ou le quartier industriel sont possibles grâce aux études interdisciplinaires sur la mémoire industrielle. Mais quelles sont les valeurs véhiculées ? Y a-t-il d’autres points de re-interprétation à part célébrer l’apport du progrès par le colonisateur ? Ces questions, académiques et appliquées, doivent se situer dans le temps présent. Cela dit, l’enjeu est aussi d’intégrer le passé industriel colonial dans la vie des habitants locaux, dans un objectif mémoriel, touristique, politique et économique. Plusieurs choix sont possibles : transformer une usine en un musée industriel, ou encore en lieu de nouvelles pratiques culturelles, etc.
En bref, cette session souligne que le patrimoine industriel colonial se situe dans un contexte culturel et politique différent selon les territoires et les époques, et qu’il n’introduit pas naturellement le côté obscur de colonisation. Puisque la colonisation n’est jamais possible sans la participation des colonisés, qui avaient leurs propres volonté, technologies, savoirs, émotions, et dynamiques et qui ne vivaient pas passivement sous la colonisation. Le patrimoine industriel ne peut pas seulement célébrer le colonisateur, mais au contraire : il re-accueille les acteurs cachés au fil du temps. Le patrimoine industriel témoigne de l’interaction entre humains et non-humains, autochtones et étrangers. Il est le lieu où se croisent des savoir-faire, le travail, le rapport social, etc. Il cache un riche trésor à exploiter et à découvrir pour notre époque.
Sous sessions
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Dans l’île de Formose (Taïwan), le patrimoine industriel du thé de l'ère coloniale japonaise (1895-1945) montre une grande transformation dans les domaines agricole, industriel et commercial, et constitue est une histoire coloniale négligée. Pour simplifier, celle-ci n’avait pas pour simple but « l’exploitation », mais plutôt le désir du colonisateur d’entrer en concurrence avec les grands pays du thé comme l’Inde et Ceylan, et les col...