Barcelone et son arrière-pays, un dialogue interrompu
Mon statut pour la session
Quoi:
Paper
Quand:
11:30 AM, Mercredi 31 Août 2022
(20 minutes)
Où:
UQAM, pavillon J.-A. De Sève (DS)
- DS-1545
Il s'agit de montrer comment l'extension de Barcelone, au XIX siècle, rend compte non seulement de sa croissance mais aussi et surtout de sa main mise sur tout le territoire catalan dont la ville organise et oriente l'activité. Il en subsiste un patrimoine déconnecté, qui a perdu en grande partie sa raison d’être.
1. Barcelone étend son influence sur l'arrière-pays (1850-1880).
L'observation de la carte de la Catalogne montre bien son découpage territorial longtemps déterminant : fragmentation de petites vallées cernées par des montagnes, difficiles voies de passages, réduits, couloirs, bassins, etc. ont facilité une autonomie de fait et le rayonnement quelques petites villes comme Manresa ou Vich. Deux innovations importantes, diffusées depuis Barcelone : l'abandon progressif de la laine pour le coton ; l'investissement des vallées à la recherche d'une énergie gratuite, recomposent le paysage de la Catalogne intérieure : les interfluves sont délaissés pour les vallées ; les cours moyens des rivières et des fleuves sont transformés en chapelets d'usines et de villages ouvriers qui produisent des textiles de coton. Au total, ce sont près de 100 noyaux de production, reliés à la capitale par le chemin de fer, construit, à l'inverse de la péninsule ibérique, par des capitaux autochtones.
2. Barcelone devient «la tête et le foyer » (1880-1900)
Barcelone se transforme en relation à cette nouvelle situation ; elle s'agrandit suivant un urbanisme inégalé, inspiré par Cerdà. Il n'y a pas une industrie catalane qui n'ait son siège social à Barcelone, ses bureaux, ses entrepôts ; pas un entrepreneur qui ne bâtisse sa résidence principale, même lorsque l'entreprise a été fondée par un habitant d'une de ces villes de la Catalogne intérieure. La ville acquiert une nouvelle configuration : entre la Plaça de Catalunya et la Diagonal, se trouvent les maisons les plus imposées, la plus forte concentration de cabinets d’avocats, de banques, de théâtres, d'hôtels, de sièges sociaux, etc. Cette concentration de richesses reçoit le nom de Carré d’Or. Barcelone devient, grâce à toute une équipe d'architectes et d'artistes (dont le plus connu est Gaudí, mais il y en a beaucoup d'autres), le porte-drapeau de la modernité. Ce sont les années de la "fièvre de l'or". Barcelone est devenue la tête du réseau, du territoire manufacturier d'où partent
les ordres, les idées, les modes et où convergent les productions. Elle est à son zénith pendant la Ière Guerre mondiale, quand l'Espagne tire au maximum profit de sa neutralité. Elle bénéficie pendant une courte période d'un gouvernement autonome. On rêve d’une Barcelone confondue à toute la Catalogne, comme autrefois les cités grecques, avec son réseau de routes et de chemins de fer, parlant une seule langue, produisant pour tout le pays, exportant aux quatre coins du pays. Avec le rêve de la cité-jardin du Parc Güell, Barcelone devient son propre spectacle.
3. Un patrimoine déconnecté
La situation du patrimoine aujourd’hui est loin de montrer cette articulation. Depuis les désindustrialisations de la fin du XXe siècle Barcelone a reconverti la plus grande part de ses friches urbaines pour en faire, suivant des formules éculées aujourd’hui, des bureaux et des centres d’activités de quartier ou d’art contemporain ; la centaine ou presque de villages industriels, abandonnés à leur sort, voient péricliter petit à petit leurs beaux ensembles où les artistes modernistes avaient laissé leur marque. On a commis l’erreur de les considérer en eux-mêmes alors qu’ils étaient l’émanation de la ville, à laquelle les rattachait un lien organique. Aujourd’hui, à quelques exceptions près, le fil coupé, le dialogue interrompu, l’histoire est impalpable et le patrimoine orphelin.